blé, la Parthénie du Grand Cyrus, dans le salon de laquelle il fait ou trouve en grande partie ses Maximes, puis la comtesse de la Fayette, auprès de laquelle il les revoit et les corrige dans une intimité de quinze années.
Dès 1659, la marquise de Sablé, atteinte de cette mélancolie janséniste qui s’emparait, comme une sorte de pieuse contagion, des grandes dames du temps, avait quitté la place Royale, où elle recevait l’élite de la société lettrée, pour se retirer au faubourg Saint-Jacques, à Port-Royal de Paris, dans un corps de logis qu’elle s’était fait bâtir, « à la fois séparé du monastère, et renfermé dans son enceinte[1]. » Là elle sut mêler agréablement les devoirs du monde à ceux de la piété. À part certains accès, certaines vapeurs soudaines de dévotion claustrale[2], on peut dire qu’elle ne tenait d’abord qu’à demi à l’austère maison : son esprit, comme sa demeure, avait fenêtres donnant sur la communauté, mais porte ouverte sur le monde. La marquise paraît n’avoir rien changé, dans sa retraite, aux délices vantées de sa table : elle avait beau faire, disait ce spirituel bossu Pisani, le diable ne voulait point sortir de chez elle : « il s’était retranché dans la cuisine[3]. » Mme de Sablé, née avec le siècle, n’avait
- ↑ V. Cousin, Madame de Sablé, 3e édition, p. 100.
- ↑ Ses amis se plaignent souvent soit de son silence, soit de n’être pas admis auprès d’elle : voyez, au tome III, les lettres 66, 69, 78, 79.
- ↑ Les portefeuilles manuscrits du docteur Vallaut (Bibliothèque nationale, Fr. 17044-17057), qui fut, ou le sait, le médecin et le secrétaire de Mme de Sablé, sont pleins de détails curieux à cet égard. La marquise tenait école de cuisine et de drogueries fines ; elle échangeait avec ses amis toutes sortes de secrets culinaires et de recettes pharmaceutiques ; tantôt il s’agit d’un hydromel, « aussi bon, dit Vallant, que le meilleur vin d’Espagne, » tantôt d’une pommade, d’une pâte, d’une marmelade, ou d’une omelette singulièrement compliquée ; on trouve aussi des instructions sur la façon de mariner le mieux possible un aloyau ou une poitrine de mouton ; puis un mémoire en deux pages in-folio, « sur les moyens de tenir le ventre libre, » etc. Voyez lesdits portefeuilles, entre autres, tome IV, fol. 171, 177, 317 ; tome IX, fol. 80, 299, 304. — Or la
dote donne à chacun de ses livres le nom d’une muse. » (Sainte-Beuve, Portraits de femmes, édition de 1845, p. 262, dans l’article la Rochefoucauld. placé à la suite de celui de Mme de la Fayette, et publié d’abord dans la Revue des Deux Mondes de janvier 1840.)