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SUR LA ROCHEFOUCAULD

sipiscence se rencontrèrent dans sa résolution, et tout particulièrement le premier. Un des principaux arguments, et probablement des plus décisifs, qu’on employa pour le « dégager absolument d’avec Monsieur le Prince » était la nécessité d’assurer « le mariage de M. le prince de Marcillac avec Mlle de la Roche-Guyon, sa cousine germaine[1], » mariage qui, nous dit Mademoiselle[2], rétablit la maison de la Rochefoucauld, laquelle « n’étoit pas aisée. » Gourville[3], son agent ordinaire, le plus adroit des ambassadeurs officieux, se chargea d’abord de faire agréer à Condé et au général espagnol cette démission, prévue peut-être de tous deux ; puis, ayant réussi de ce côté, il eut recours à l’entremise de M. de Liancourt pour obtenir une entrevue du Cardinal, qu’on représentait comme fort aigri contre le duc de la Rochefoucauld. On vit alors combien importe, en toute affaire épineuse, le choix du négociateur, Mazarin, face à face avec Gourville, se montra plein de bonne grâce et de facilité ; il oublia ses récentes colères, et accorda d’emblée à l’envoyé du Frondeur repenti ce que peut-être il eût refusé au Frondeur lui-même. Il ne posa qu’une condition, futile en apparence, très-sérieuse au fond : c’est que Gourville passerait désormais à son service. Le Cardinal, qui se connaissait en hommes, témoin le choix qu’il fera plus tard de Colbert pour lui succéder, avait deviné tous les services qu’il pouvait tirer par la suite de ce génie souple et industrieux. Ces services furent tels en effet[4] qu’il serait malaisé de dire qui gagna le plus, après Gourville bien entendu, à cet arrangement, ou de la Rochefoucauld, qui obtint par là le droit de rentrer en France, ou de Mazarin, qui prit à l’illustre factieux son homme d’affaires le plus avisé.

Gourville, il faut lui rendre cette justice, n’abandonna pas

  1. Mémoires de Gourville, p. 269.
  2. Tome III, p. 358.
  3. Voyez ses Mémoires, p. 269 et suivantes.
  4. Quelque temps après, Gourville (voyez ses Mémoires, p. 273-286), ayant réussi à entrer dans Bordeaux, sous prétexte d’en retirer les meubles du duc de la Rochefoucauld, fut assez adroit ou assez heureux pour amener le prince de Conty et Mme de Longueville à faire, à leur tour, leur soumission, à la fin de juillet 1653.