Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lvi
NOTICE BIOGRAPHIQUE

sique et moral qui ne permet aucune action suivie. En novembre même, il tenta de s’aboucher avec Mazarin, à Châlons ; mais le Cardinal refusa de le voir ; il « lui fit répondre qu’il le remerciait de sa civilité, mais qu’il ne croyait pas à propos qu’il le vît[1]. » Durant toute l’année 1653, il ne fut occupé qu’à se guérir et sans doute aussi à méditer sur l’avenir et sur le passé. C’est par mégarde que Gourville dit[2] qu’il passa toute cette année à Damvilliers ; il quitta cette ville aussitôt son accommodement fait et son passe-port obtenu ; Gourville lui-même le voit en Angoumois, en se rendant à Bordeaux par ordre du Cardinal, et c’est à Verteuil qu’il lui adresse, de Villefagnan, la nouvelle de la conclusion de la paix, laquelle est du 30 juillet[3].

Malgré les velléités héroïques de sa jeunesse, il n’était point taillé en héros : la réflexion, chez lui, finissait toujours par dominer les autres facultés. Il n’était pas homme à continuer de sang-froid, comme il dit quelque part[4], ce qu’il avait commencé en colère ; il n’avait pas enfin cette infatigable persévérance de Mme de Longueville, qui, à ce moment même, comme pour bien prouver l’indépendance de sa conduite politique, prolongeait, avec Conty et les Ormistes[5], sa résistance à Bordeaux. Aussi, tout en ayant l’air de se rendre aux vives instances des siens et de ses amis, ne fit-il, au fond, que suivre la pente de son naturel et obéir à ses vœux les plus secrets, quand il entreprit de se dégager honorablement envers la Fronde vaincue et Monsieur le Prince exilé. « La réconciliation avec nos ennemis, a-t-il écrit, n’est qu’un désir de rendre notre condition meilleure, une lassitude de la guerre, et une crainte de quelque mauvais événement[6]. » Ces trois éléments de ré-


    deaux, et depuis, lorsque les ducs se séparèrent de la princesse de Condé, voyez les Mémoires de Lenet, p. 408, 409 et 422.

  1. Voyez les Souvenirs du règne de Louis XIV, par M. le comte de Cosnac, tome IV, p. 196.
  2. Mémoires de Gourville, p. 269.
  3. Ibidem, p. 274, 275 et 283.
  4. Voyez les Mémoires, p. 336.
  5. Voyez, dans Madame de Longueville pendant la Fronde, chapitre intitulé : la fin de la Fronde à Bordeaux.
  6. Maxime 82.