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NOTICE BIOGRAPHIQUE

d’atermoiements ; on avait, il est vrai, traité conclu avec l’Espagne ; mais l’Espagne n’entendait fournir que juste assez de subsides pour alimenter la guerre sans permettre de la terminer. La Rochefoucauld dit lui-même que le parti ne reçut en tout d’au delà des monts que deux cent vingt mille livres ; le reste fut pris sur le crédit de Madame la Princesse, du duc de Bouillon, de la Rochefoucauld et de Lenet[1]. Ce fut donc un dur et difficile moment à passer. Tandis que Mme de Longueville, pour défendre Stenay, engage ses pierreries en Hollande, la Rochefoucauld sacrifie généreusement sa fortune[2]. Le 9 août, il apprend que son château de Verteuil a été rasé par ordre de la cour. Lenet dit dans ses Mémoires (p. 332) : « Le 7 (août 1650)…, l’on sut (à Bordeaux) que l’on travailloit, par ordre de la cour, à démolir Verteuil, maison du duc de la Rochefoucauld. » La constance de celui-ci n’en paraît point ébranlée : il est heureux, au contraire, de pouvoir offrir ce sacrifice à la duchesse, qui, à l’autre extrémité de la France, combat si courageusement pour la même cause. Lenet dit un peu plus loin (p. 335) : « On fut assuré…, ce jour-là, que l’on continuoit la démolition du château de Verteuil, appartenant au duc de la Rochefoucauld, qui reçut cette nouvelle avec une constance digne de lui ; il sembloit en avoir de la joie pour inspirer de la fermeté aux Bordelois. On disoit encore que ce qui lui en donnoit une véritable étoit de faire voir à la duchesse de Longueville, qui étoit toujours à Stenay, qu’il exposoit tout pour son service[3]. » C’est la période héroïque de la liaison, ce point culminant où l’on ne demeure guère ; il semble bien qu’après une telle ardeur de mutuel dévouement, elle ne pouvait plus que se relâcher, qu’elle était en danger de se rompre d’un côté ou de l’autre.

Si la belle résistance de Bordeaux faisait valoir le courage

  1. Voyez les Mémoires, p. 194 et note 5 ; au tome III, p. 49-91, les lettres 20, 21, 22, 24, 25, 26, 28, 30, 32 ; et, entre autres passages des Mémoires de Lenet, p. 291 et 357.
  2. Voyez, au tome III, p. 89 et 97, les lettres 31 et 34, à Lenet, qui montrent bien à quel état de gêne fut réduit la Rochefoucauld.
  3. Voyez aussi les Mémoires de Lenet, p. 376, et ceux de Mme de Motteville, tome III, p. 391.