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VII JUGEMENT SUR LES MAXIMES DK M. DK LA ROCHEFOUCAULD [r66/,]^ Je vous ai beaucoup d’obligation d’avoir fait un jugement de moi si avantageux que de croire que j’étois capable de dire mon sentiment de l’écrit que vous m’avez envoyé. Je vous proteste, Madame, avec toute la sincéiité de mon cœur, quoique l’auteur de l’écrit n’en croie point de véritable, que j’en suis incapable, et que je n’entends rien en ces choses si subtiles et si délicates ; mais puisque vous commandez, il faut obéir. Je vous dirai donc, IMadame, après avoir l)ien consi- déré cet écrit, que ce n’est qu’une collection de plusieurs livres d’où l’on a clioisi les sentences, les pointes et les choses qui avoient ])lus de rapport au dessein de celui qui a prétendu en faire un ouvrage considérable. J’ai l’esprit si rempli des idées de maçonnerie, que je m’imagine que tout ce que je vois en a la ressemblance et que cet ou- vrage s’y peut comparer. Je sais bien que vous direz que je ne suis qu’un maçon ou un charpentier en cette matière, mais vous m’avoue- rez aussi qu’il est composé de différents matériaux- ; on y remarque de belles pierres, j’en demeure d’accord ; mais on ne sauroit discon- venir qu’il ne s’y trouve aussi du moellon et beaucoup de plâtras, qui sont si mal joints ensemble qu’il est impossible qu’ils puissent faire corps ni liaison, et, par conséquent, que l’ouvrage puisse sub- sister*. Après la raillerie, il est bon d’entrer un peu dans le sérieux, et de vous dire que les auteurs des livres desquels on a colligé ces sen- tences, ces pointes et ces périodes, les avoient mieux placées; car si l’on voyoit ce qui étoit devant et après, assurément on en seroit })lus édifié ou moins scandalisé. Il y a beaucoup de simples dont le suc est poison, qui ne sont point dangereux lorsqu’on n’en a rien extrait et que la plante est en son entier. Ce n’est pas que cet écrit ne soit bon en de bonnes mains, comme les vôtres, qui savent tirer le bien du . Extrait du tome II des Portefeuilles de f^iillanl, folio 170. — Le titre est de la main de Vallant. L’auteur de cette pièce est inconnu, mais elle fut certainement communiquée à la Rocliefoucauld, car l’adresse de renvoi (à Ma- dame lu Marquise de Sable) est écrite [)ar lui. . La lettre originale, dont l’ortliograjibe d’ailleurs est singulièrement dé- fectueuse, donne inatereaux. . V. Cousin supprime cette phrase et les deux précédentes (depuis : Je vous dirai donc. Madame ), ne les trouvant pas, dt-i, Jbrt plaisantes. (Ma- dame de Sable, p. i55.) — Il a raison, sans aucun doute, mais notre tâche d’édi- teur ne nous permet pas même licence.