tant de prodiges, tant d’avis de sa femme et de ses amis, ne peuvent le garantir, et la fortune choisit le propre jour qu’il doit être couronné dans le Sénat, pour le faire assassiner par ceux mêmes qu’il a sauvés, et par un homme qui lui doit la naissance[1].
Cet accord de la nature et de la fortune[2] n’a jamais été plus marqué que dans la personne de Caton, et il semble qu’elles se soient efforcées l’une et l’autre de renfermer dans un seul homme[3], non-seulement les vertus de l’ancienne Rome, mais encore de l’opposer directement aux vertus de César, pour montrer qu’avec une pareille étendue d’esprit et de courage, le désir de gloire conduit l’un à être usurpateur, et l’autre à servir de modèle d’un parfait citoyen. Mon dessein n’est pas de faire ici le parallèle de ces deux grands hommes, après tout ce qui en est écrit[4] ; je dirai seulement que, quelques[5] grands et illustres qu’ils nous paroissent, la nature et la fortune n’auroient pu mettre toutes leurs qualités dans le jour qui convenoit pour les faire éclater[6], si elles n’eussent opposé Caton à César. Il falloit les fane naître en même temps, dans une même république, différents par leurs mœurs et par leurs talents, ennemis par les intérêts de la patrie et par des intérêts domestiques ; l’un, vaste dans ses desseins, et sans bornes dans son ambition ; l’autre, austère, renfermé dans les lois de Rome, et idolâtre de la liberté ; tous deux célèbres par des vertus qui les montroient par de si différents côtés, et plus célèbres encore, si l’on ose dire,
- ↑ Brutus, qui avait pour mère Serville, sœur de Caton, et César, disait-on, pour père.
- ↑ « De la fortune et de la nature. » (Édition de M. de Barthélemy.)
- ↑ « En un seul homme. » (Ibidem.)
- ↑ « Tout ce qui est écrit, » et immédiatement après, « je dirois seulement. » (Ibidem.)
- ↑ Voyez le Lexique, au mot Quelque.
- ↑ « Les faire exalter. » (Édition de M. de Barthélemy.)