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NOTICE BIOGRAPHIQUE

fait la reconnaissance, et il essayera d’expliquer et de couvrir ses mécomptes en affirmant que c’est par ses défauts bien plus que par ses qualités qu’on fait son chemin dans le monde[1].

Un instant (1645), las de sa « fortune désagréable » et des déconvenues de son ambition, il songe à laisser de côté les intrigues pour « s’attacher à la guerre[2] ; » mais déjà il est trop tard : il a rebuté toutes les bienveillances par ses bouderies et ses refus. La Reine traite cet incommode ami comme elle a traité Mme de Chevreuse ; elle lui refuse les mêmes emplois militaires que, trois ou quatre ans auparavant, elle l’avoit empêché d’accepter du cardinal de Richelieu. Marcillac, blessé dans son amour-propre par « tant d’inutilité et tant de dégoûts[3], » se résout alors à ne plus se contenter de bouder et à prendre hardiment « des voies périlleuses pour témoigner son ressentiment. »

Cette voie, il se vante, après coup, de l’avoir trouvée dans sa liaison avec Mme de Longueville, laquelle lui apportait en même temps cette gloire, comme on disait alors, à savoir ce bruit et cet éclat, dont il était surtout épris. V. Cousin nous a raconté cet épisode de l’histoire du dix-septième siècle avec une partialité éloquente autant que sincère[4] ; personne n’ajoutera rien, après lui, à la peinture flatteuse de Mme de Longueville. Les fautes même de cette brillante héroïne de la Fronde, il a eu soin de l’en décharger pour les faire peser sur la Rochefoucauld. C’est la pente où glisse forcément le panégyrique, et, si la vérité n’y trouve point son compte, l’intérêt et l’art y gagnent à coup sûr. Sans trop faire ombre au tableau que V. Cousin nous a présenté, peut-être y a-t-il moyen de mettre en meilleure lumière la personne de la Rochefoucaud.

En 1646, Mme de Longueville était âgée de vingt-sept ans, et déjà, nous l’avons vu, en bien comme en mal elle avait fait parler d’elle. Les jeunes membres de la famille des Coudés portaient une grande vivacité dans leurs mutuelles affections, si bien que, d’un côté, l’attachement du prince de Conty pour sa

  1. Voyez les maximes 90, 155, 354, 403.
  2. Mémoires, p. 94.
  3. Ibidem.
  4. Madame de Longueville pendant la Fronde.