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RÉFLEXIONS OU SENTENCES

CLXXI

Les vertus se perdent[1] dans l’intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer. (éd. 1*.)

CLXXII

Si on examine bien les divers effets de l’ennui, on trouvera qu’il fait manquer à plus de devoirs que l’intérêt[2]. (éd. 5.)

CLXXIII

Il y a diverses sortes de curiosité : l’une d’intérêt, qui nous porte à désirer d’apprendre ce qui nous peut être utile ; et l’autre d’orgueil, qui vient du désir de savoir ce que les autres ignorent[3]. (éd. 1*.)

  1. Var. : Toutes les vertus se perdent… — (1665.) — Voyez les maximes 187, 253 et 273. — Comparaison très-fausse, dit la Harpe (tome VII, p. 264) : « Tous les fleuves tendent à la mer, et la vertu ne tend point à l’intérêt, si ce n’est celui d’être bien avec soi et avec les autres, et ce n’est pas ce qu’on entend ordinairement par intérêt. Il serait plus vrai de dire que la vertu s’arrête souvent, quand elle rencontre l’intérêt dans son chemin ; c’est là sa véritable épreuve : si la vertu est faible, elle recule ; si elle est forte, l’intérêt se range devant elle, et lui fait passage. »
  2. L’annotateur contemporain trouve cette réflexion fausse, attendu que « l’ennui ne fait pas jouer tant de ressorts que l’intérêt. »
  3. Var. : La curiosité n’est pas, comme l’on croit, un simple amour de la nouveauté : il y en a une d’intérêt, qui fait que nous voulons savoir les choses pour nous en prévaloir ; il j en a une autre d’orgueil, qui nous donne envie d’être au-dessus de ceux qui ignorent les choses, et de n’être pas au-dessous de ceux qui les savent. (1665.) — Plutarque en reconnaît une autre, celle « de sçauoir les tares et imperfections d’autruy, qui est un vice ordinairement conioint auec enuie et malignité. » (De la Curiosité, chapitre i, traduction d’Amyot.)