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ET MAXIMES MORALES
XCVII
On s’est trompé lorsqu’on a cru que l’esprit et le jugement étoient deux choses différentes[1] : le jugement n’est que la grandeur de la lumière de l’esprit[2] ; cette lumière pénètre le fond des choses, elle y remarque tout ce qu’il tant remarquer, et aperçoit celles qui semblent imperceptibles. Ainsi il faut demeurer d’accord[3] que c’est l’étendue de la lumière de l’esprit qui produit tous les effets qu’on attribue[4] au jugement[5]. (éd. 1*.)
- ↑ L’édition de 1665 n’a pas ce premier membre de phrase.
- ↑ Le manuscrit ajoute ici : On peut dire la même chose de son étendue, de sa profondeur, de son discernement, de sa justesse, de sa droiture, de sa délicatesse. »
- ↑ Var. : On s’est trompé lorsque l’on a cru… de la lumière de l’esprit ; sa profondeur pénètre le fond des choses ; sa justesse n’en remarque que ce qu’il en faut remarquer, et sa délicatesse aperçoit celles qui semblent être imperceptibles : de sorte qu’il faut demeurer d’accord… (1666.)
- ↑ Var. : que l’on attribue. (1666.)
- ↑ Var. : Le jugement n’est autre chose que la grandeur de la lumière de l’esprit ; son étendue est la mesure de sa lumière ; sa profondeur est celle qui pénètre le fond des choses ; son discernement les compare et les distingue ; sa justesse ne voit que ce qu’il faut voir ; sa droiture les prend toujours par le bon biais ; sa délicatesse aperçoit celles qui paraissent imperceptibles, et le jugement décide ce que les choses sont. Si on l’examine bien, on trouvera que toutes ces qualités ne sont autre chose que la grandeur de l’esprit, lequel, voyant tout, rencontre dans la plénitude de ses lumières tous les avantages dont nous venons de parler. (1665.) — L’auteur a beaucoup retouché cette maxime, mais il n’a pu l’amener à ce point de précision qu’on admire dans beaucoup d’autres. La Harpe (tome VIL p. 269) y relève le défaut de justesse et de clarté ; et déjà l’annotateur contemporain avait établi qu’il faut distinguer entre l’esprit et le jugement, au moins quant à leurs effets, attendu que le jugement est la force de l’esprit, et que l’esprit est la délicatesse du jugement. — La Rochefoucauld lui-même, dans deux maximes contradictoires à celle-ci (258 et 456), admet une distinction entre les deux termes. — Quoi qu’il en soit, Vauvenargues pense comme la Rochefoucauld, qu’ « on ne peut avoir beaucoup de raison et peu d’esprit » (maxime 602, Œuvres, p. 458).