Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, Appendice du t1, 1883.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

ÉTUDE SUR L’ÉDITION DE 1664.

et eomment accorder cette maxime arec celle-ci ; Qui Pîî taïufilU iCest pas si sage quHl croit (aOQ*) ? II y a donc des gens qui n*ont point de folie, et de plus on n*e8t pas très-sage pour n^en pas avoir. Tout cela est-il bien clair et bien con^u, et au lieu de chercher i se faire deviner, ne vaudrait-il pas mieux s^assurer de ce qu^on veut dire? » Laharpe a mille fois raison : il y a contradiction évidente entre les deux maximes 307 et ^09. Mais la contradiction cesse si Ton consulte la rédaction pri* mitive, parce qu*ici les deux pensées sont fondues en une seule, au moyen d^une phrase intermédiaire, qui sert à la fois de transition et de correctif : La folie nous suit dans tous les temps de la vie ; et si quelqu*nn parolt sage» c’est seulement parce que ses folies sont proportionnées à son âge et à sa fortune. Les plus sages le sont dans les choses indifférentes, mais ils ne le sont presque jamais dans leurs plus sérieuses affaires^ : et qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit. A mesure que les éditions de son livre se succédaient, la Rochefoucauld s’in- géniait de plus en plus a condenser ses réflexions sous la forme d’aphorismes : il ntf visait plus qu’à frapper des médailles. Toutes les pensées qui ne se prêtaient pas i être resserrées en quelques lignes, étaient impitoyablement sacrifiées. Le plus beau morceau du recueil, la description de l’amour-propre, a été éliminé parce qu’il était trop long et avait cessé d’être en proportion avec le reste : si bien qu’on a pu dire des Maximes qu’elles ne sont qu’une suite d’épigrammes qui frappent l’esprit comme on trait et qui tombent aussitôt*. Ce défaut, si c’en est un, est moins sensible dans la première version. Ici la pensée est plus ample» l’expression plus abondante, ou, ee qui revient souvent au même, les maximes se succèdent dans leur relation immédiate. Bornons-nous à un dernier exemple, car nous risquerions de tout citer : niDACTION DKFiNxnvn. Maxime 5o. Ceux qui se sentent du mérite se piquent toujours d’être malheureux, pour persuader aux autres et i eux- mêmes qu’ils sont de véritables héros, puisque la mauvaise fortune ne s’opi- nifttre jamais à persécuter que les per- sonnes qui ont des qualités extraordi- naires : de là vient qu’on se console souvent d’être malheureux, par un certain plaisir qu’on trouve à le pa«  roltre *. Ceux qui croient avoir do mérite se font un honneur d’être malheureux, pour persuader aux autres et à eux- mêmes qu’ils sont dignes d’être en butte à la fortune. Maxime SyS. On se console souvent d’être malheu* reux par un certain plaisir qu’on trouve à le paroltre. « de son hôtel. Tous les passants s*amusoient à le regarder. A Sully, où il s’étoit re* € tiré sur la fin de ses jours, il avoit quinze ou vingt vieux paons, et sept ou huit « vieux reitres de gentilshommes qui, au son de la cloche, se mettoient en haie pour « lui fiiire honneur, quand il alloit à la promenade, et puis le suivoient; je pense que « les paons suivoient aussi. » La peinture est excellente, et l*on voit les ridicules pom- peux du grand ministre. Ce sont là d’assez naïves folies du sage Sully, fit cela prouve qu’il est imprudent de vouloir prendre en défaut la sagacité de la Rochefoucauld* Ce sont les noms qu’on invoque pour contester l’absolue vérité de son observation, que nous pouvons reprendre pour montrer que cette observation a touché le fond com- mun de la nature humaine. »] [i. Ces deux maximes, y compris la phrase intermédiaire de l’édition de 1664: « Les plus sages.... leurs plus sérieuses affaires», en forment, dans le manuscrit de Liancourt, comme dans notre édition, trois absolument distinctes, ses n"* i, 96, 194, nos maximes 207, 58 1 et aoQ (voyez ei-après les tableaux de concordance, p. 7a et 79). Dans le manuscrit, au commencement de la première (207), au lieu de : « La folie nous suit », on lit, différence importante : c L’enfance nous suit ».] a. M. Sylvestre de Sacy, F’ariétès littéraires^ tome I, p. 3a3. [3. On peut voir aux tableaux de concordance, ci-après, p. 67 et 78, que les deux maximes ne sont ainsi réunies dans aucun antre texte que cev^ 4^ 1664.]