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TROIS ANCIENS TEXTES DES MAXIMES. 29 et contient toutes les autres espèces de courage : il n*y a pas moins de différence entre eux qu’il y en a entre les visages et les numeurs; ce- pendant ils conviennent en beaucoup de choses. Il y a des hommes qui s’exposent volontiers au commencement d’une action, et qui se relâchent et se rebutent aisément par sa durée ; il y en a qui sont assez contents quand ils ont satisfait à Thonneur du monde, et qui font fort peu de cboses au delà. On en voit qui ne sont pas toujours également maîtres d’eux-mêmes; d’autres se laissent quelquefois entraîner à des épouvantes générales; d’autres vont à la charge, pour n’oser demeurer aans leurs Îiostes; enfin il s’en trouve à qui l’habitude des moindres périJs affermit e courage, et les prépare à s’exposer à de plus grands. Outre cela, il y a un rapport général que l’on remarque entre tous les courages des diffé- rentes espèces dont nous venons de parler, qui est que, la nuit augmen- tant la crainte et cachant les bonnes et les mauvaises actions, leur donne la liberté de se ménager. Il y a encore un autre ménage plus général qui, à parler absolument, s’étend sur toute sorte d’hommes : c’est qu’il n’y en a point qui fassent tout ce qu’ils seroient capables de faire dans une oc- casion, s’ils avoient une certitude d’en revenir : de sorte qu’il est visible que la crainte de la mort ôte quelque chose à leur valeur, et diminue son effet. Ms. i663 *. — La parfaite valeur et la poltronnerie complète sont des extrémités où l’on arrive rarement. L’espace qui est entre les deux est vaste, et contient toutes les autres espèces de courage : il y a phis de dif- férence entre elles quUl y en a entre les visages et les humeurs ; cepen- dant elles conviennent en beaucoup de choses. Il y a des hommes qui s’exposent volontiers au commencement d’une action, et qui se relâchent et se rebutent aisément par sa durée ; il y en a qui sont assez contents quand ils ont satisfait à l’honneur du monde, et qui font fort peu de choses au delà. On en voit qui ne sont pas toujours également maîtres de leur peur; d’autres se laissent quelquefois emporter à des épouvantes géné- rales; d’autres vont à la charge, pour n’oser demeurer dans leurs postes; enfin il s’en trouve à qui l’habitude des moindres périls affermit le cou- rage, et les prépare à s’exposer à des plus grands. Outre cela, il y a un rapport général que l’on remarque entre tous les courages des différentes espèces dont nous venons de parler, qui est que, la nuit augmentant la crainte et cachant les bonnes et mauvaises actions, leur donne la liberté de se ménager. Il y a encore un autre ménagement plus général qui, à parler plus absolument, s’étend sur toutes sortes d’honunes : c’est qu’il n’y en a point qui fassent ce qu’ils seroient capables de faire dans une oc- casion, s’ils avoient une certitude d’en revenir : de sorte qu’il est visible que la crainte de la mort ôte quelque chose à leur valeur, et diminue son effet. Edit. 1664. — Conforme au manuscrit autographe, sauf ces variantes : a des extrémités où l’on arrive rarement » ; a se relâchent et se rebutent aisément pour sa durée. Il y en a qui sont assez constants quand ils ont satisfait à l’honneur du monde, et qui font fort peu de chose au delà. On en voit qui ne sont pas toujours également maîtres de leur peur ; d’autres se laissent quelquefois emporter à des épouvantes générales; d’autres vont à la charge, pour n’oser demeurer dans leur poste; enfin », et a de se ménager. Il y a encore un autre ménagement plus général qui, a parler absolument, s’étend sur toutes sortes d’hommes : c’est qu’il n’y en a I. Quoique, pour cette maxime, le texte de la copie de i663 soit, dans son en- semble, assez conforme & celui du manuscrit autographe, il y a cependant d’assez nom- breuses différences de détail, pour que nous la reproduisions en entier.