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RÉFLEXIONS DIVERSES. 89 envisager à Puyguilhem ne lui parut point au-dessus de son ambition. Il songea à profiter du caprice de Mademoiselle, et il eut la hardiesse d’en rendre compte au Roi^. Personne n’i- gnore qu*ayec si grandes et éclatantes qualités nul prince au monde n’a jamais eu plus de hauteur, ni plus de fierté. Cepen- dant, au lieu de pérore Puyguilhem d’avoir osé lui découvrir ses espérances, il lui permit non-seulement de les conserver, mais il consentit que quatre officiers de la couronne ’lui vins- sent demander son approbation pour un mariage si surpre- nant, et sans que Monsieur, ni Monsieur le Prince en eussent entendu parler. Cette nouvelle se répandit dans le monde, et le remplit d’étonnement et d’indignation. Le Roi ne sentit pas alors ce qu’il venoit de faire contre sa gloire et contre sa dignité. Il trouva seulement qu’il étoit de sa grandeur d’é- lever en un jour Puyguilhem au-dessus des plus grands du Royaume, et, malgré tant de disproportion, il le jugea digne d’être son cousin germain, le premier pair de France, et maître de cinq cent mille livres de rente ; mais ce qui le flatta le plus encore, dans un si extraordinaire dessein, ce fut le plaisir secret de surprendre le monde, et de faire, pour un homme qu’il aimoit, ce que personne n’avoit encore imaginé. Il fut au pouvoir de Puyguilhem de profiter, durant trois jours, de tant ae prodiges que la fortune avoit faits en sa faveur, et d’épouser Mademoiselle; mais, par un prodige plus grand encore, sa vanité ne put être satisfaite s’il ne 1 épousoit avec les mêmes cérémonies que s’il eût été de sa qualité : il vou- lut que le Roi et la Reme fussent témoins de ses noces, et qu’elles eussent tout Féclat que leur présence y pouvoit don- ner*. Cette présomption sans exem^e lui fit employer à de MémùirêSf qai montre qae ce jeadi était le aecond ayant le premier dimanche de FaTent, lequel tombait, en 1670, au 3o novembre. I. Mademoiselle ne rapporte point que Laoznn ait renda eompte an Roi, mais elle a nn mot (ibidem^ p. i8a) qui laisse entendre qu’elle le soupçonne de PaToir fait ; « n me disoit fort qu’il ne loi en avoit point parlé. > a. « U (Lanzun) me dit que le lundi (i5 décembre), MM. les ducs de Créquy, de Montansier, le maréchal d’Albret et Guitry iroient trouver le Roi de ma part pour le suppUer de trouver bon que l’affaire s’achevât. » (Ibidem^ p. iqS.) — Ils étaient offi- ciers de la couronne, en qualité, le duc de Créquy, de premier gentilhomme de la chambre du Roi ; le duc de Montausier, de gouverneur du Dauphin ; d’Albret, comte de Miossens, de maréchal de France; et le marquis de Guitry, de grand maître de la garde*robe du Roi. . « M. de Montausier dit (à Mademoiselle) : « Ave^’Voas cru vous marier en m cérémonie, comme si c’étoit un roi, et a-t-U cru que l’affaire se traiteroit de « couronne à couronne? > [Ibidem^ p. aai.) — Mme de Gaylus (p. 410) emploie la même expression : c M. de Laoznn.... voulut que le mariage se fit de couronne à couronne. » — Voyez, en outre, un passage de la page 175 du tome XIX de Saint-Simon, à laquelle nous ayons renvoyé plus haut.