jours dans la maison lugubre de son père.
Encore si le goût d’une vie tranquille et
innocente l’eût retenue dans ce lieu ! Mais une
nécessité affreuse l’y contraignait. Cependant
elle était née dans un rang distingué, et sa plus
tendre enfance s’était écoulée dans la joie et
dans le bonheur. Mais son père… Dieu !
quel père !… après la mort de sa femme, qui
était la sagesse même, se plongea dans la
débauche, et la débauche épuisa bientôt toutes
ses richesses. Sourd à la voix de la nature et
du sang, il ne pensait plus qu’il avait trois fils,
qu’il avait une fille ; il dissipa tout son bien,
et précipita avec lui ses enfants dans le gouffre
de la misère : tel est l’aveuglement dont nous
frappent nos passions qui nous font négliger,
oublier même nos devoirs les plus sacrés.
La nécessité la plus pressante poussa bientôt les trois garçons à chercher ailleurs leur subsistance par leur travail et leur industrie ; mais la pauvre fille, abandonnée presque entièrement de son père, se levait, se couchait avec la faim, et le peu de pain qu’elle mangeait n’était assaisonné que de ses larmes ; elle travaillait, à la vérité, sans se rebuter ; mais l’ouvrage de ses mains suffisait à peine à gagner de quoi couvrir sa nudité. C’est pourquoi, non seulement elle n’osait pas sortir, mais elle ne pouvait non plus se mettre aux fenêtres, parce que son père, dans le dessein de cacher sa honte, les avait