Quelques faux dévots, quelques hypocrites pourront
censurer votre conduite ; mais le beau
monde, les beaux esprits, les gens du bon ton
vous accableront par le tribut de leurs adorations
et de leurs éloges. Vous voyez donc, mademoiselle,
que l’honneur n’est qu’un mot, qu’une
chimère, qu’un funeste préjugé qu’il faut
secouer.
Tout cela va bien tant que ces amusements ne laissent après eux aucune trace : mais si j’en porte des marques, mais si je deviens enceinte ? Dieu ! cette idée me fait frémir ; un pareil événement me réduirait au désespoir. Dans ce cas-là, mon honneur ne serait-il pas perdu ?
Voilà encore un préjugé, voilà un joug, dont on tient toujours la raison captive. On raisonne toujours ; on s’écrie partout : « Liberté, liberté ». Cependant la raison demeure toujours esclave, et cette liberté marche à pas bien lents !
Doit-on couper et jeter au feu un jeune arbre s’il produit quelque bon fruit ? Ce fatal préjugé rappelle dans ma mémoire une loi salutaire et en même temps absurde qui existe dans l’île de Formose. Cette loi, je l’appelle salutaire, en ce qu’elle ordonne que les filles se marient aussitôt qu’elles sont nubiles ; et plût à Dieu que cette loi devînt universelle ! Je l’appelle absurde et barbare, en ce qu’elle ne leur permet de devenir