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pouvait espérer bâtir avec des justices et des harmonies particulières en définitive une injustice totale.

Pierre Deloire

G. Tarde. — L’Opposition universelle. — Félix Alcan, éditeur, 1897 (Bibliothèque de Philosophie contemporaine)

Psychologue subtil et pénétrant, sociologue curieux et avisé, il était déjà arrivé à M. Tarde de s’égarer dans la métaphysique ; cette fois il s’y est perdu. M. Tarde aime beaucoup la métaphysique, mais peut-être pas comme il faut l’aimer ; il l’aime comme un jeu, et le livre de M. Tarde n’est trop souvent qu’un jeu. Vraiment, à l’époque où nous sommes, pour l'homme qu’est M. Tarde, il y avait mieux à faire que de publier hâtivement une ébauche de 400 pages, qui se dénonce elle-même comme un « délassement visuel de l'intelligence » ; il v avait mieux à faire que de rééditer en manière de conclusion, comme si c’était le dernier mot de la science moderne, le thème usé et vain : « la poursuite de l’impossible à travers l'inutile, serait-ce donc vraiment le dernier mot de l’existence ? »

Se poser une fois de plus l'éternelle question : la guerre est-elle inhérente aux société humaines ? a-t-elle été, est-elle encore la condition de leur progrès ? résoudre une bonne fois à la lumière de l’histoire le problème de l’Opposition sociale : quel sujet ! L’attention toujours éveillée de M. Tarde s’y était d’abord fixée ; même il confesse que, dans son livre, « c’est toujours, au fond, la question sociale qui est en cause », — « qu’elle est l’âme apparente ou cachée de toutes ces études ». — Et cependant, dans ce volume de 450 pages, il y en à 300 — trop et trop peu à la fois — qui traitent des oppositions mathématiques, astronomiques, mécaniques, physiques, chimiques, biologiques, psychologiques..…., et parmi les 150 qui restent, il y en à juste 60 où le problème de la grande opposition sociale, la guerre, soit directement et franchement abordé.

— Il fallait bien, nous dit l’auteur, en manière d’excuse, pour « jeter quelque jour » sur ce problème social, « convoquer et rassembler, pour ainsi dire, toutes les antinomies de la nature ? » — Mais quand donc les sociologues auront-ils appris à faire ce qu’ils font : de la sociologie, de la science, et non de la métaphysique avant la science ? Quand donc seront-ils convaincus que rien n’est plus funeste pour le progrès, pour la fondation de leur science, que ces « revues générales » des sciences, hâtives et superficielles, que ces synthèses faciles et stériles, auxquelles les vrais philosophes de notre temps ont renoncé, mais qui retardent d’autant l’édification de la seule sociologie possible, de la seule utile, la sociologie positive, laquelle n’est autre chose, suivant l’heureuse formule d’un sociologue sans le dire[1], que « l’histoire considérée comme science » ?

Pourquoi faut-il que M. Tarde, après avoir, au dernier Congrès de sociologie, si brillamment démontré le danger de transporter les expressions et les conceptions biologiques dans [a science sociale, ait, tout le long d’un chapitre,

  1. M. P. Lacombe.