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progrès humain, partant de là, jetons un coup d’œil sur les cent dix ans, bientôt écoulés, depuis l’apparition de ce phare au sommet du monde.

Tout d’abord, on acclama ! Les cœurs, exultants d’une joie immense, crurent posséder à jamais la divinité vraie : la Vérité !…

Trois ans après, la vieille barbarie faisait un retour offensif sur les places publiques, où tous ivres d’amour avaient crié : Vive la Fraternité !… On décapitait, au nom de la liberté, ceux qui étaient suspects de mal penser !

C’était le poids du passé, condensé dans les êtres humains, pétris et conçus par lui, qui de toute sa masse retombait sur la sainte folie de l’avenir, encore dépourvue de chair et d’ossature. Une conspiration de rois, encore maitres de leurs peuples, fit sombrer l’amour de la liberté dans la vieille et sauvage ivresse de la conquête, et l’on reprit à la suite les chemins du passé : après avoir démoli la royauté, on rebâtit un empire ; et, depuis la fin du grand siècle dix-huitième, jusqu’au bout de ce tâtonnant dix-neuvième, fourvoyé par la réaction bourgeoise, on ne fit qu’essayer de toutes les formes de gouvernement monarchique, sans pouvoir arriver à aucune qui ne fût despotisme ou infamie. Car la bourgeoisie, victorieuse du roi et de la noblesse, prise à son tour du mal barbare, et reniant la grande charte de 89, voulut régner elle aussi, à l’abri d’un fantoche ou d’un tyran.

En voici plusieurs que le peuple des villes envoie rouler dans la poussière, lui seul gardant au cœur le souvenir de la grande Révolution. Mais l’ignorance n’est pas morte dans les foules travailleuses ! Et les riches y trouvent toujours un terrain fécond pour les mensonges et les calomnies, à l’aide desquels ils justifient leurs abus de pouvoir et les coupes sombres pratiquées par eux dans les rangs révolutionnaires.

Aujourd’hui, les fantoches ont disparu. Voici l’État seul en cause, représenté cette fois par les coryphées de la bourgeoisie ; elle seule responsable, et son système avec elle !

Or, tout va de mal en pis : comme autrefois, la vie se raréfie les travailleurs ; pour le rural comme pour l’ouvrier. Et, malgré tout, le jour s’étend. Les ateliers, transportés en province, éclairent l’homme des champs sur les procédés grâce auxquels les oisifs font de la richesse pour eux seuls. Déjà, ce logogriphe : « La richesse est le produit du travail » jusqu’ici accepté si aisément — si bêtement faut-il dire — commence à les étonner ; ils y songent… Quand il sera déchiffré pour tous — et cela semble ne pouvoir durer longtemps — quand on aura contemplé attentivement ces deux propositions indéniables :

Les riches, ce sont les oisifs ;