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Et maintenant, que se prépare un combat décisif pour la vérité, ceux qui veulent l’avenir, qu’ils sachent rassembler en eux, avec eux, une force plus haute et plus vive que le poids énorme dont pèse le passé sur les âmes humaines !!

— Il n’y eut pas cependant qu’abaissement et brutalité dans ce passé ! En dépit de la masse, abrutie par le dogme homicide qui érigeait la souffrance en devoir sacré, le monde ne fut jamais entièrement composé d’esclaves ! De parmi les riches, comme du milieu des pauvres, surgirent à toute époque des cerveaux mieux équilibrés, des àmes généreuses, que le mal froisse et soulève, qu’attirent le beau et le bien, et qui rêvèrent de sociétés logiques et humaines. La plupart donnèrent corps à leur pensée, s’inscrivirent en juges et en témoins contre le mal régnant, et leur audace ne resta pas impunie. Car le fort, qui possède tout, estime qu’il doit posséder aussi la sagesse ; lui seul, puisqu’il a droit de vouloir, a droit de penser. Les perturbateurs de l’ordre furent donc ensevelis dans les cachots, torturés, et, s’ils ne consentaient pas à faire amende honorable, condamnés à mort. Bien plus, on les fit huer et déchirer par la populace qu’ils voulaient sauver ! Il n’y eut jamais prescription, ô légistes ! Appels, protestations, furent renouvelés sans trêve !

Si bien qu’après des centaines de siècles, quand le progrès non pas celui du rêve moderne, ce progrès qui marche tout seul et fait à leur insu les affaires des hommes, mais le progrès du mal, beaucoup mieux secondé quand ce progrès-là, grimpé sur la monarchie et sur le bon Dieu, eut réduit en jachères toutes les terres de France, couvert les routes royales de morts et de mourants, et qu’il ne resta plus guère dans le royaume que la famine, la peste, un roi, des courtisans et des traitants, — tout cela au vif pendant près d’un siècle ; en action depuis plusieurs ; car il n’y a pas de patience plus longue que celle des peuples — alors, un éclair immense traversa l’horizon d’une part à l’autre !’et toutes les protestations, vaines jusque-là, des philosophes et des écrivains, se résumèrent en une parole régénératrice, formidable, inexprimée jusqu’alors, qui proclamait une ère nouvelle, et rejetait à jamais dans le passé les privilèges, l’esclavage et le despotisme !…

« Tous les hommes sont libres et égaux en droits ! »

Cela fut dit !… et ce fut beaucoup !… Maintenant, cela reste à faire.

Pour achever de comprendre l’inanité du Temps, en fait de