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de ses rejetons est impitoyablement soumis à la greffe du sauvageon primitif ?

Comment progresserait-elle, quand le peu de clarté officielle qu’elle projette n’est dispensée qu’à un petit nombre de cerveaux, qui sont aux déshérités de l’intelligence comme 3 est à 100 ? quand ce nombre immense de déshérités composent et déterminent la vie nationale ? à laquelle cependant, ils ne participent que par un travail acharné, abrutissant, courbés sur la terre ou sur l’outil, du point du jour à la nuit ; usant à cela toutes leurs forces physiques ; et mentalement confinés dans cette part de vie qui fut la superstition primitive et les errements monarchiques ? La plupart de ces malheureux, qui dans notre admirable civilisation ! ne savent pas tous encore lire couramment, fruits plus ou moins secs d’une école, où la présence d’un seul instituteur doit suffire à soixante élèves !!! qui d’ailleurs ne possèdent ni livres, ni temps pour la lecture ; tout au plus, parfois, réduits à un journal de faits divers et de commérages politiques ; — ces malheureux, surtout les cultivateurs du sol, passent dans la vie humaine comme dans un songe ; nés d’hier, sans passé, sans histoire ; sans autre avenir devant eux que trois ans de service militaire ; après quoi ils retourneront à la terre ou à l’outil, et-s’ils ne meurent pas de fatigues ou de chômage — vivront les années toutes semblables qui doivent s’écouler de leur naissance à leur mort, dans une sorte d’hébétude, n’ayant d’idéal l’idiotisme religieux, d’autre conscience que la résignation, la défiance des gens et des choses, et la peur d’agir, parce qu’ils ne savent. C’est pour cela qu’ils laissent aux forbans la direction du monde, et contribuent par leur inertie à prolonger leur triste sort et celui de leur race esclave.

En face de cette masse énorme d’humains condamnés à l’ignorance et à l’inerte pauvreté, depuis le commencement des sociétés, et, non seulement abrutie par l’excès du travail et la misère, mais par un rappel incessant aux absurdités primitives, à la barbarie antique… c’est en face d’une telle situation qu’on s’étonne du peu de progrès intellectuel et moral de l’humanité !!! — On ne comprend pas ! dites- vous ? Ah ! cela, au contraire, se comprend trop !… Et surtout, quand de ce déplorable troupeau humain, voué à une animalité systématique, on porte les yeux sur ce qui compose la classe moyenne et la classe gouvernante.

Ici, nous entrons dans une demi-clarté, celle que peuvent donner des lettres non méditées, et le plus souvent nullement comprises, à de soi-disant lettrés, pour la plupart sans amour de l’étude, et cependant condamnés à emplir leur mémoire de noms et de mots. La plupart