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Tel est l’héritage de l’humain primitif, pieusement conservé jusqu’à ce jour.

On s’écrie : Allons donc ! Vous niez le progrès !!!

— Pas du tout ! Il existe dans le mal comme dans le bien. Tout dépend de la direction donnée. Chaque chose génère selon sa nature. L’esprit humain, incontestablement progressif, s’il se trompe sur le principe, n’en sait pas moins poursuivre les conséquences. Les faits sont sans réplique : on ne saurait nier le développement constant de la guerre, qui marche inévitablement vers le jour où l’on pourra faire sauter en l’air un peuple entier ! La débauche est devenue une institution sacrée ; demandez au bureau des mœurs ! L’homme qui renie ses devoirs de père est protégé par la loi ! La tyrannie s’est rendue nécessaire aux opprimés, à ce point qu’ils assiègent les portes de ses géhennes en sollicitant d’y être admis. C’est pour les tyrans seuls que travaille, en dépit d’elle-même, la science, cette bienfaitrice de l’humanité, dont Pangloss, toujours content, vante les merveilles. Qui donc oserait nier le progrès ? Les découvertes abondent et chaque année les modes changent… jusqu’à changer la forme humaine ! On raffole de nouveautés, et l’on court aux danses et aux spectacles avec une ardeur d’Océaniens. — De ce côté, le progrès est incontestable !

— Vous vous moquez ! dit-on. Cependant si de tels vices n’étaient pas inhérents à la nature humaine, depuis un si long espace de temps, ils eussent été réformés, anéantis ! On peut se tromper d’abord ; puis la vérité bientôt se fait reconnaître et reprend ses droits. Mais devant une persistance de tant de milliers d’années dans l’injustice, la violence, l’inégalité, après tant d’épreuves, aucun espoir n’est permis ! — C’est le grand argument, et trop spécieux, de nos villageois : — Puisque ça à toujours été comme ça, disent-ils, c’est que ça ne pouvait pas être autrement.

Argument de routine, présenté par des routiniers ignorants ! Ne sait-on pas que les hommes varient suivant leur condition ? et que les lois varient également, selon la nature et l’étendue des faits auxquels elles s’appliquent ? — Pour moi, j’en conclus que la carrière de l’humanité, aussi bien que celle du globe, est démesurément longue, et que son enfance n’est pas précoce. Car l’humanité, tout le prouve, est encore dans son enfance, au point de vue intellectuel et moral. J’en conclus que depuis les millénaires écoulés, dont nous ignorons le nombre, jusqu’à demain qui durera peut-être un siècle encore ? — nous sommes toujours dans notre premier âge : âge d’enfance et de barbarie !

Mais une grande aube a paru, qui nous annonce la fin de cette ère sanglante et misérable ! Un vaste éclair a traversé notre nuit ; et bien que les nuages se soient reformés, le jour ne peut longtemps se