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damnée par la loi du mariage à la servitude ? Et pourquoi cette touchante unanimité de la sauvagerie et de la dite civilisation ? — Parce que l’homme est le plus fort.

Logique à rebours, vice primitif, conservé depuis toujours !

Ceci est le propre de l’intelligence humaine !

Car l’animal n’est point assez avisé pour charger son fardeau sur le dos d’un autre animal. Chez lui, le plus faible cédera le pas au plus fort ; mais le lion ne se fait bâtir ni palais, ni forteresses ; il ne s’attribue pas la forêt à lui seul, il ne se donne pas de serviteurs.

L’animal cherche et trouve lui-même sa nourriture ; si bête qu’il n’a pas d’esclaves. — Non content de domestiquer les animaux à son usage, l’homme, celui du moins qui dispose de la loi du plus fort, plus que jamais victorieuse, l’homme contraint en outre à le servir et à travailler pour lui le plus grand nombre de ses semblables. Et tandis qu’il soigne grassement ses animaux domestiques, pour en obtenir un meilleur travail ou un aliment plus savoureux, il maintient ses serviteurs humains dans la misère et dans l’ignorance, afin de leur enlever les velléités et la force de regimber contre le joug, et qu’ils le laissent libre de goûter paisiblement, dans sa fainéantise de riche, les plaisirs et les voluptés dont il jouit, grâce à leur travail. La bête se borne à préférer sa propre existence à celle des êtres qui lui servent de nourriture. Elle tue pour manger. mitif se prend d’amour pour la chasse à gibier ; utilitaire, il mange ses prisonniers. L’homme pri- comme à celle du Plus tard, quand il aura renoncé au cannibalisme, il n’en conti- nuera pas moins de jouer avec la vie de ses semblables, avec leurs biens, avec leurs souffrances. Et ce jeu cruel deviendra bientôt à ses yeux son principal titre de gloire ! Il y mettra sa passion, son enthou- siasme et… son honneur !… Ses héros les plus applaudis, ce seront les guerriers les plus terribles, conquérants, chefs de droit des premières sociétés. Les prisonniers, qu’on ne mange plus, on en fera des esclaves. Traitement plus cruel peut-être ? mais trait de génie, dont la simple animalité n’eût jamais été capable. Toujours progressant, l’homme fera de la guerre un art et un plaisir. Il inventera des moyens de carnage et les perfectionnera sans cesse. La guerre deviendra la carrière héroïque par excellence. Elle passionnera l’opinion et sera célébrée dans les chants publics. Et tandis que se produisent lentement les éléments et les décou- vertes des premières civilisations, grâce à la prescience de génies modestes et paisibles méprisés, relativement aux guerriers, et restés obscurs, inconnus tandis qu’on bâtit des habitations plus claires, plus solides, plus saines et mieux défendues, qu’on apprend à se servir du feu pour cuire les aliments, pour chauffer l’hiver les