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animal, docilement suivi par les espèces inférieures. Poussé par l’esprit qui lui est propre, par la force inconsciente du moi, par une précoce vanité, l’homme abandonne l’instinct… il tâtonne… il cherche !… il veut !…

Mais à cette époque-là, des siècles le séparent du raisonnement et de la compréhension de sa destinée ; de cette vérité si retardée, encore nouvelle aujourd’hui que l’homme et l’humanité, liés étroitement par une même nature, un même génie, des besoins matériels et moraux semblables, ont par conséquent aussi les mêmes intérêts, partagent les mêmes périls, et jouissent ou souffrent, s’élèvent ou s’abaissent, l’un par l’autre ; ce qu’on appelle la solidarité humaine. Il n’a entrevu que la loi de concurrence vitale qui gouverne la nature, où les espèces se disputent la vic, se dévorant les unes les autres. Comme les animaux carnassiers, dont il est lui-même victime, il fond sur sa proie, la tue, et la dévore sans pitié… Mais l’animal carnassier respecte sa propre espèce, ct, repu, cesse tout carnage. Dans son instinct borné, celui-ci secourt sa femelle, nourrit, soigne et chérit ses petits. Tandis que l’homme plus avide, plus inquiet, plus féroce, attaque indifféremment son semblable, ou tout autre animal propre à sa nourriture. Son implacable et sauvage égoïsme ne s’arrête pas même devant les siens : en cas de famine, il mangera sa femme ou son enfant !

Animal et progressif, ne pouvant encore progresser par la raison, c’est dans l’animalité qu’il progressera ; c’est-à-dire qu’il la rendra plus barbare !

C’est dans cette direction que du premier coup l’être particulièrement doué dépasse et laisse loin derrière lui l’animal, son humble compagnon !

— On trouve encore, en des coins écartés de notre globe, des anthropophages. On voit partout chez les sauvages, la femme-chargée du poids de l’enfant, soit pendant la gestation, soit pendant l’allaite- ment, et plus tard encore on. la voit, lors des exodes fréquents du ménage, ou même dans les chasses et les excursions, porter, outre l’enfant, les armes, les provisions et les ustensiles ; portefaix, esclave, servante, en même temps que mère et épouse ; bien que ses forces, tournées surtout vers la fonction maternelle, si épuisante, la rendent extérieurement moins musculaire que le mâle ! Combien existe-t-il encore de civilisées dont le sort n’est pas moins cruel ? Dans notre prétendue civilisation, combien d’enfants sans père ? Dans quelle patrie, de nos jours encore, la femme n’est-elle pas con-