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cette convention fantaisiste que beaucoup se plaisent à supposer ; comme si les choses humaines se faisaient — surtout alors — de parti pris, après réflexion, au lieu d’être déterminées par l’enchaînement des faits, et l’action naturelle des individus. À quelle heure du temps en quel lieu ? dans quel lointain d’avant l’histoire, aurait opéré cette assemblée de penseurs mal inspirés, qui auraient jeté les bases du monde ancien, et entrepris de ranger sous une même loi, sinon l’espèce humaine, du moins des peuplades, devenues plus tard des nations ? Comment se seraient-ils rencontrés et entendus ? Comment, enfin, voulant donner des lois générales à un peuple d’humains, au nom de leur nature commune, auraient-ils persuadé le grand nombre de se soumettre au plus petit, et de le servir et lui obéir, jusqu’à lui abandonner sa liberté, ses biens et sa vie ?

On ne s’y trompe plus aujourd’hui : les plus belles républiques de l’antiquité, et les modernes plus encore, ne furent que d’âpres aristocraties, fondées sur l’esclavage, la guerre et le privilège, plus dures parfois que des monarchies.

Plus on étudie l’histoire, plus on y voit les hommes agglomérés, non associés, sous l’empire de droits et de devoirs extrêmement inégaux droits absolus pour les grands ; devoirs absolus pour les faibles. Ce ne sauraient être là des conventions conclues et consenties ; elles furent imposées ; résultant de faits produits par l’état naturel des êtres et des choses, et consacrés plus tard par des législations.

Avant d’imaginer et de faire des constitutions, il fallut que l’homme, né dans l’animalité, l’eût assez dépouillée pour s’appliquer à des créations plus ou moins intelligentes. Pendant un long temps sans numération possible, puisque la pensée en est absente, que la nature végétale et animale (qui se sent, mais ne se connaît pas) occupe seule le globe ; avant tout essai d’actes réfléchis, avant l’esprit-la force féconde, au sein profond de la nature, de plus en plus subtile et puissante, cherche son cours, sa forme, son expression. Plus éclatent les splendeurs au front de la jeune planète, plus s’exhalent de parfums, d’harmonies, de beauté, de poésie, — plus une conscience vague s’épanche, croît, s’agite, réclame un sens nouveau, une voix, une pensée… et l’enfantement de la nature s’achève par un nouvel être, lourde ébauche de l’humanité, mais pénétré d’un rayon plus vif du générateur solaire, d’une part plus large de cette électricité — qui est le système nerveux de la vie universelle, — doué de moëlles plus délicates, de vibrations plus hautes, et d’un cerveau mieux organisé, d’où résultera chez lui plus tard une qualité spéciale, supérieure à l’animalité : celle de conclure d’un fait à d’autres faits, engendrés par le premier ; de voir par l’esprit ce que les yeux ne voient pas ; de distinguer la réalité sous les apparences ; d’induire, de créer !…