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15 novembre, 1919.
LA REVUE MODERNE

tendresse de la Française du peuple pour les héros, sort de toutes ses entreprises amoureuses dupé et ridicule ? Le peintre a vraiment des touches par trop fantaisistes ! Parfois le langage que l’auteur met dans la bouche des « Castors » n’est guère plus vraisemblable : s’il a jamais entendu un « Fusilier de Montréal » crier « Égaillez-vous ! » il peut se vanter de les mieux connaître que moi-même, qui ai passé quelques mois parmi eux. Ajoutons que le livre est d’un style fort relâché.

Jolicœur n’en est pas moins, dans l’ensemble, une peinture fidèle et, au demeurant, sympathique, du 22e, tel que nous le vîmes aux environs de 1917. Le Boche au punch, le Sansonnet et tels autres chapitres que nous pourrions citer, sont des tableaux pleins de verre et d’humanité tout à la fois, où les anciens du 22e retrouveront quelques-unes de leurs plus nobles émotions de soldats.

M. Causse-Maël met dans la bouche de ses héros beaucoup de jurons : que ceux qui n’ont pas entendu « batêmer » tout autour d’eux au 22e lui jettent la pierre. Un romancier n’est pas nécessairement tenu de farder les choses, kâ… â… â… lice !

Sur l’opportunité de laisser le livre entre les mains des jeunes filles, ce que nous avons dit de la Scouine s’applique, mais dans une moindre mesure, à Jolicœur.


Olivar Asselin.

NOTRE NUMÉRO DE NOËL


Notre numéro de Noël sera édité à grand frais, avec un texte approprié aux belles fêtes religieuses et sociales que nous passerons, et contiendra de nombreuses illustrations, avec gravures hors texte d’une rare valeur artistique, roman complet, etc., etc.

Retenez ce numéro d’avance chez notre dépositaire.


Dans notre prochain numéro un article à lire


L’analyse de « Polly Masson », le roman de M. William Henry Moore, l’auteur du « Clash » par M. Louvigny de Montigny.



La peine qu’on se donne pour être heureux fait la moitié du bonheur.
Armand Hayem.
Le motif seul fait, le mérite des actions de l’homme.
La Bruyère.
Il y a une chose dont on ne loue jamais les morts, et qui, cependant, est la cause de toutes les louanges qu’on leur donne : c’est qu’ils sont morts.
Stendhal.
Imitez le temps : il détruit tout avec lenteur : il mine, il use, il déracine, il détache et n’arrache pas.
Nos moments de lumière sont des moments de bonheur ; quand il fait clair dans notre reprit, il y fait beau.


LE THÉÂTRE FRANÇAIS À MONTRÉAL


Les administrations théâtrales qui se sont succédé du théâtre des Nouveautés, d’il y a vingt-cinq ans, à l’Orpheum d’hier ont réussi à créer l’impression que l’exploitation d’un théâtre français de bon style est une déplorable affaire financière.

Cette impression, toute ancrée qu’elle est, dans l’opinion publique est absolument contraire à la réalité. Il est à craindre que Montréal reste privée de bonnes troupes, tant qu’elle subsistera.

Montréal n’a jamais ménagé son encouragement aux théâtres dignes de cet encouragement, ceux-ci auraient pu largement vivre de leurs recettes si des causes absolument étrangères à l’art dramatique n’avaient eu des effets désastreux sur la caisse.

Il serait facile, par exemple, d’établir que tel théâtre est arrivé à la faillite ou à peu près, après avoir pendant des années bouclé les bilan de ses saisons avec des bénéfices dépassant annuellement vingt mille dollars. Et cette faillite pourrait s’expliquer.

Et l’Orpheum d’hier ? l’Orpheum dont la soi-disant malheureuse campagne de 1918-19 a découragé les Mécènes assez disposés à protéger une saison de haute comédie… payante ; l’Orpheum, dont la troupe très appréciée, a fait de bonnes, sinon d’excellentes affaires.

En seize semaines du 26 août 1918 au 18 janvier 1919, déduction faite de la relâche due à la grippe, ce théâtre a encaissé plus de cinquante milles piastres.

De janvier à mai l’administration de la liquidation a couvert plus que ses frais, alors que les pertes attribuables à la grippe étaient amplement compensées par les magnifiques recettes de Cyrano, de l’Aiglon, du Duel.

Le public a réellement fait un succès de la dernière saison de comédie, tout financier, ou tout amateur intelligent qui désirerait s’en convaincre n’aurait qu’à consulter le bilan de la saison.

Montréal est une des plus grandes villes françaises après Paris. Sa population est riche, friande de belles choses, passionnée de bon théâtre français, elle se rend en foule à toutes les manifestations de l’art français qui lui sont offertes, qu’il s’agisse de musique, de comédie, de conférences, d’expositions de peinture ; pourquoi cette importante ville française ne pourrait-elle assurer le sort d’un bon théâtre français ?

Le succès financier d’un semblable théâtre sera assuré du jour où les artistes resteront au delà de la rampe alors que les administrateurs se tiendront en deçà de cette lumineuse barrière.

Il conviendrait peut-être, pour aller au devant d’un grand succès financier, de modifier quelque peu les programmes, d’une exclusivité allant jusqu’à la monotonie de ces dernières saisons.

Toujours la pièce à thèse, la comédie rosse, les études de mœurs pas toujours admissibles, cela finissait et a fini par devenir agaçant : l’excès en tout est un défaut, comme chante cet excellent bourgmestre dans Geneviève de Brabant.

À ce joyeux et très artistique théâtre des Nouveautés on donnait dans la même saison des opérettes, des comédies sérieuses ou désopilantes, voire même du grand opéra très acceptable. Certes ce n’était pas toujours la perfection, mais par ce temps de vie chère on aimerait varier ses plaisirs et oublier pendant quelques heures le prix du beurre ou des chaussures en écoutant La Mariée du Mardi-Gras ou le petit Faust.

Ce qu’ont fait les directeurs artistiques des Nouveautés d’antan doit pouvoir être recommencé par ceux d’aujourd’hui.

C’est affaire d’habilité, de doigté, de choix judicieux. Avec de bons chefs d’emploi, des seigneurs et des seigneuresses de talent, mais peu connus et aux émoluments de moindre importance, et l’appoint, qui n’est pas à dédaigner des professionnels et des amateurs du terroir, on peut créer à Montréal un théâtre français permanent pouvant aborder tous les genres, donnant au public d’excellentes représentations et à ses créateurs de bons dividendes.

Jules Helbronner

Certains hommes, dans leurs vêtements civils, récemment repris, font l’effet de religieuses défroquées. • • s Ma chère, c’est effrayant’. Jean va revenir du front… — El alors… — C’est que depuis trois ans, je lui ai écrit plus de trois cents lettres d’amour. — Eh bien ? — Eh bien, je viens de m’apercevoir que je ne l’aimais pas, que je ne Fai jamais aimé. » • • Depuis la paix, les femmes vont aussi loin dans le décolletage, que, pendant la guerre elle avaient été loin dans le dévouement. Ce n’est pas peu dire. • • Il y a déjà des tableaux, des vieux meubles, des courtisans et des jolies femmes dans les intérieurs des nouveaux riches. Mais il n’y a pas encore d’idées : il faut attendre pour cela qu’ils aient tout reperdu. • • • Comme il est devenu difficile d’aimer, depuis la paix : on n’est pus séparésl • • La femme est sortie de la guerre avec un goût plus vif d’indépendance, et l’homme avec un désir plus grand d’autorité. La paix sera-t-elle vlus facile à faire régner dans les ménages qu en Europe’! m • Pour certaines femmes, la guerre n’aura été qu’une pause — un peu longue — entre deux tangos. « * L’amour a plus de force et de saveur au milieu des périls. Maintenant, il faut apprendre de nouveau à aimer dans la sécurité. Quelle déchéance’. Mais aussi, quelles compensation*’. • • t Il n’y a guère que chez les jeunes filles que l’amour soit tout à fait exempt de vanité. • • Que la paix était belle… pendant la guerre 1