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Vous qui n'avez connu que les larmes amères,
Orgueilleux qui, marchant seuls dans votre chemin,
Avez cherché la mort et blasphémé vos mères,
Et qui désespériez de l'avenir humain !

Ah ! fuir le toit natal, les tendresses premières,
Étouffer dans son cœur les souvenirs amis,
L'amour et la beauté, ces divines lumières...
C'était commettre un crime, et vous l'avez commis !

Mais l'amour renaissait dans votre âme flétrie !
Le terrestre lien ne s'était pas brisé...
Oh ! que d'amers sanglots poussés vers la patrie !
Que de pleurs orageux sur le sable embrasé !

À l'ardent horizon que de chères images
D'un monde bien aimé repeuplaient votre cœur !
Le siècle, à votre insu, recevait vos hommages,
Et les deux s'oubliaient, et l'homme était vainqueur !

Puis, déchirant vos flancs d'une main éperdue,
Vous rougissiez le sol du sang des repentirs...
Et la mort, tour à tour, à vos voix descendue,
Dispersait au désert la cendre des martyrs !

Vos temps étaient mauvais ! — Dans sa gloire entachée,
Astre fatal errant au ciel des nations,
Rome opprimait la terre, à ses feux desséchée,
Et corrompait le sang des générations !

Les heureux et les forts étaient pris de vertige,
Les faibles abattus dormaient d'un lourd sommeil,
Comme des arbrisseaux viciés dans leur tige
Qui n'ont verdi qu'un jour et n'ont vu qu'un soleil !

Tous les sages anciens hésitaient, pleins de doutes !
Le siècle remuait dans l'étroit horizon,
Et, captif colossal, ébranlant sa prison,
En efforts surhumains se creusait mille routes.