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Au désert, au désert ! fuyons, l'heure est prochaine !
En expiation du crime renaissant,
Déchirons notre chair et versons notre sang :
Des âmes et des corps il faut briser la chaîne !

Et quand luira sur nous le jour mystérieux,
Le jour sombre où, pareil au songe qui s'efface,
Comme un peu de poussière aux quatre vents des cieux,
L'univers en éclats plongera dans l'espace...

Lorsque la race humaine, éperdue, à genoux,
Frémira sous les yeux de son juge sublime !...
Oh ! combien rouleront dans l'éternel abîme...
Mais la face de Dieu resplendira pour nous !


III


Rêveurs des anciens jours, pâles anachorètes,
L'oreille ouverte au Dieu qui vous parlait tout bas,
De sa loi bien aimée indomptables prophètes,
Tels vous vous élanciez à vos rudes combats !

Ardents, pieds nus, armés d'un courage invincible,
Avec le crucifix et le bâton noueux,
Tels, bien loin des cités aux flots tumultueux,
Vous fuyiez, l'œil tendu vers le monde invisible !

L'un montait pour mourir sur d'inféconds sommets,
Et confiait son âme aux souffles des orages ;
L'autre creusait sa tombe aux cavernes sauvages,
Et le regard humain ne les revit jamais !

Fous sublimes, martyrs, vaillantes créatures,
Que fatiguait la vie et qu'altérait le ciel,
Qui dans l'effort sacré de vos fortes natures,
Poussiez vers l'idéal un sanglot éternel !