Page:La Revue indépendante - 1846 - année 6, série 2, tome 5.djvu/341

Cette page n’a pas encore été corrigée

Où ses yeux enchantés jamais n'avaient pleuré !
Il fuyait, mais nourri d'amour et d'harmonie,
Nul éclair indigné n'enflammait son génie ;
Jamais il n'arrosa de vos sublimes pleurs
Le sol universel des humaines douleurs,
Ô bien-aimés d'un juste, enfants d'un divin père,
Qui ne déviez point vivre en un siècle prospère,
Qui, pareils à Moïse au sommet d'Abarim,
Vîtes le sol promis à l'horizon serein,
Mais qui, toujours liés à votre temps immonde,
Mourûtes comme Christ aux jours sombres du monde !


II


Au désert, au désert, les sages et les forts !
Seigneur ! vous avez bu l'amertume et la lie...
Le monde se comptait dans sa vieille folie,
Et s'attarde en chantant aux pieds de ses dieux morts !

Et ses yeux n 'ont point vu la lumière éclatante,
Et les vains bruits du siècle ont étouffé nos voix...
Seigneur, jusques à quand durera notre attente ?
Jusques à quand, Seigneur, resterez-vous en croix ?

D'une sueur de sang cette terre est trempée
Où des bourreaux d'un Dieu la main vous souffleta !
Et les fils de Satan hurlent la priapée
Du lointain Capitole au rouge Golgotha !

Le sombre tentateur aux haleines mortelles
Sèche le grain du ciel sur le sol dévasté...
Vos blanches légions se voilent de leurs ailes,
Et l'homme sans frémir attend l'éternité !

Au désert, au désert, ceux que l'Esprit convie,
Ceux que le siècle enivre à ses coupes de feu,
Ceux qu'a longtemps battus l'orage de la vie,
Ceux qui dormaient hier dans le sein de leur Dieu !