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Les cités de la terre, humbles et prosternées,
Criaient vers Rome assise aux Alpes couronnées ;
Et Rome inattentive aux cris de leurs douleurs,
Pâle, la main sanglante et le front ceint de fleurs,
Aveugle aux premiers feux des jours expiatoires,
Affamait ses lions au fond des vomitoires.

Ô louve, ô vieille Rome, ô fatale cité,
Reine ceinte d'opprobre et d'impudicité,
Qui, par deux fois déjà, du fiel que tu respires,
Dans leur sève as séché les terrestres empires !
Ô mer d'iniquité qui, depuis deux mille ans,
Opprimes notre sol de tes flots accablants,
Rien ne balaîra donc tes fangeuses écumes ?
Et les dieux ont tenu les promesses de Cumes !
Or, quand loin du beau ciel et des bords où fleurit
La molle violette, où l'homme chante et rit ;
Lorsque l'Eurus joyeux, aux clartés des étoiles,
De son aile mobile arrondissait les voiles,
Et qu'ignorant César, quelque jeune Ionien
Touchait de sa carène au sable ausonien ;
Voyant surgir au sein des eaux napolitaines,
Dans le parfum des fleurs et l'argent des fontaines,
Sur l'Océan latin un vert abri flottant,
Détaché par les flots du rivage éclatant,
Il disait dans sa langue assouplie et dorée :
Quelle est cette île heureuse ? — On répondait : Caprée !
Caprée ! — antre maudit où de ses derniers jours
Tibère use la trame en d'atroces amours,
Où d'impures fureurs raffinent les martyres,
Où la vierge en lambeaux râle aux bras des satyres !
Où la corruption, implacable et sans frein,
Bouillonne de ce cœur fait de boue et d'airain...
Où, des bras de la mort, la vieillesse livide
D'un sang vermeil et chaud repaît sa lèvre avide !
Caprée ! — Et tout pâli des frissons de la peur,
L'étranger, reculant loin de l'antre trompeur,
Nageait vers la patrie harmonieuse et belle
De qui le nom si doux est parfumé comme elle,
Vers la riche Ionie au beau ciel adoré,