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« Restons donc ainsi, n’apprends pas ma langue, je ne veux pas chercher dans la tienne les mots qui te diraient mes doutes et mes craintes. Je veux ignorer ce que tu fais de ta vie et quel rôle tu joues parmi les hommes. Je voudrais ne pas savoir ton nom, cache-moi ton âme que je puisse toujours la croire belle. »


Cet hymne inspiré, cette brûlante invocation avait été improvisée en moins d’une heure par George Sand, en présence même du docteur, tandis qu’à leurs côtés reposait, dans un sommeil léthargique, le poète qu’agitaient les convulsions de la fièvre. La légende veut, et c’est une légende que ne contredit pas la vérité, que George Sand ait remis le dithyrambe enflammé sous enveloppe, sans suscription ; que le destinataire ait simulé la surprise, et que, lui arrachant la lettre des mains, George Sand ait elle-même mis l’adresse : Au stupide Pagello.

Stupide ? à dire vrai, il ne l’était point, mais il jouait ce rôle », nous écrivait récemment le fils de Pagello. N’était-ce pas, ajoute-t-il, non sans finesse, le meilleur parti que mon père pouvait prendre, par prudence ?

Mot profond et qui fait naître combien de réflexions !…

Dr CABANÈS.