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Ni les instances de de Fleury, ni son titre d'auditeur, ni même le subterfuge dont il usa en implorant la pitié de l'officier commandant en faveur d'un officier blessé qu'il transportait, disait-il, dans sa voiture, rien ne pouvait parvenir à fléchir l'inflexibilité de la consigne, lorsque quatre chevaux qui traînaient une pièce de canon s'abattirent en descendant la berge, pendant que la tête du train d'artillerie continuait sa route. Nous étions descendus près de la rivière l'officier nous dit alors Voilà une circonstance heureuse pour vous; profitez-en et passez vite, car, si je vous retrouve sur le pont, je fais tout jeter à l'eau. Il n'y avait pas de temps à perdre, même en remerciements les cognats étaient vigoureux, la voiture légère en deux minutes nous nous trouvâmes sur la rive opposée, où les officiers d'artillerie nous admirent à leur bivouac. La journée fatale du lendemain commença par l'engagement de notre artillerie avec celle de l'ennemi. Nous avions été obligés de nous retirer un peu en arrière sur le rivage mais Joly de Fleury m'avait quitté pour continuer son chemin, et c'est ainsi que je fus témoin de ce drame sanglant. Enfin, après un combat acharné, le feu de l'ennemi fut éteint par le nôtre, et la brillante conduite de l'illustre et immortel maréchal Ney, qui enleva la position, mit un terme au carnage; sans quoi l'armée française tout entière, selon les prévisions des généraux russes,

était anéantie.

Dans la soirée, je me joignis de nouveau à mon brave colonel, dont le cuisinier, bien superflu depuis longtemps, avait eu les reins coupés au passage du pont, et, me réunissant à ce qui restait de mes camarades, je m'éloignai de ce rivage funeste en prenant la direction de Minsk.