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se débarrasser du doute et de l’inquiétude qui la torturaient, savoir si elle avait encore le droit de regarder son père en face !

Le pasteur continuait à lui demander de lui confier ce qui l’oppressait. Mais quand elle regardait dans ses yeux clairs, dans son pur et lumineux visage, il lui était impossible d’aborder ce point honteux, épouvantable. Et elle ne pouvait que pleurer. Parfois aussi, elle pensait à la douce main de la bonne Mme Hartwig, mais celle-ci était étrangère et éloignée. Il fallait donc lutter seule et en silence.

Et lui, lui qui marchait dans la vie, le visage si joyeux et l’âme si triste, qui sait si elle le reverrait jamais ! Et où se cacherait-elle si elle allait le rencontrer ? Il était mêlé à tous ses doutes et à toute sa douleur, mais sans amertume ni rancune. Tout ce qu’elle souffrait l’attachait à lui davantage, et il ne sortait jamais de sa pensée.

Son souvenir l’accompagnait dans toutes ses occupations. Mille endroits dans la maison, dans le jardin, avaient gardé sa trace. Elle le rencontrait à la porte ; c’est là qu’il lui avait parlé pour la première fois. Elle n’était pas retournée au parterre de violettes ; c’est qu’il l’avait prise dans ses bras et qu’elle avait reçu ses baisers…

Si le printemps avait été tardif, l’automne arriva de bonne heure. Un soir de la fin de l’été, il commença à pleuvoir, le lendemain il plut encore ; enfin la pluie tomba sans interruption, les nuits devinrent plus fraîches et le froid se fit sentir.

Sur les buissons et les arbres les feuilles pendaient alourdies par la pluie, et quand la gelée les eut séchées, elles tombèrent en masse sur le sol, au premier souffle