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contre lui. Elle ne fit pas de résistance, mais ferma les yeux, respirant péniblement. Alors elle sentit ses baisers sur les yeux, sur les lèvres, en même temps qu’il murmurait son nom mêlé à des paroles ardentes. On appela de la maison. La lâchant brusquement, il s’éloigna en courant. Les chevaux piaffaient, le jeune homme sauta en voiture, mais dans sa précipitation il laissa tomber son bouquet ; une seule violette lui resta dans la main.

— Je ne puis cependant pas vous l’offrir, dit-il à Mlle Frédérique.

— Non, grand merci, répondit celle-ci, gardez-la en souvenir de votre extrême adresse.

— En effet, vous avez raison, je la garde, répondit Max Lintzow avec le plus grand calme.


Le lendemain matin il retrouva à sa boutonnière cette violette fanée, coupant la tête d’un coup d’ongle, et retirant la tige en dessous :

— Tiens ! fit-il, en se regardant au miroir avec un sourire. Celle-là, je l’avais presque oubliée.

Il quitta le pays dans l’après-midi et l’oublia tout à fait.

L’été arriva, amenant les longs jours chauds et les belles nuits claires. Sur la mer tranquille la fumée des bateaux à vapeur restait longtemps suspendue immobile, et les navires à voiles passaient lentement, mettant presque un jour entier à disparaître de l’horizon.

Il se passa quelque temps avant que le pasteur remarquât le changement qui s’était fait en sa fille. Cependant il finit par s’apercevoir qu’Else n’était plus la même. Elle avait pâli, se tenait beaucoup renfermée dans sa chambre, et ne venait presque plus dans le