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le savoir si malheureux ! Et combien il était étonnant aussi qu’elle fût la seule à qui il avait confié son chagrin ! Mais quelle pouvait être cette douleur secrète ? Avait-il, lui aussi, perdu sa mère ? Ou bien était-ce quelque peine plus lourde encore ? Combien elle aurait voulu pouvoir le consoler !

Quand Else rentra dans la salle à manger, il était de nouveau le plus gai de tous. Une seule fois, en la regardant, il reprit cet air mélancolique et confidentiel qui la touchait au cœur.

Enfin l’heure du départ arriva. Au milieu des derniers apprêts, Else se glissa inaperçue dans le jardin : elle voulait cueillir un bouquet de ses violettes pour la bonne Mme Hartwig.

— Mais s’écria Mlle Frédérique, déjà en voiture, mais, mes violettes, monsieur Lintzow ?

Le jeune homme, qui se demandait où avait passé Else, eut soudain un trait de lumière :

— Madame Hartwig, permettez-moi de m’éloigner un moment, je vais chercher un bouquet pour Mlle Frédérique.

Else entendit des pas pressés qui s’approchaient. Elle eut le pressentiment que ce ne pouvait être que lui.

— Ah ! je vous trouve ici, mademoiselle… je suis venu… pour cueillir des violettes.

Elle se détourna légèrement sans répondre, et se mit machinalement à en cueillir.

— Voulez-vous m’en faire un bouquet ? demanda-t-il timidement.

— N’est-ce pas pour Mlle Frédérique ? dit-elle.

— Oh non ! Faites-le pour moi, supplia-t-il en se mettant à genoux devant elle.

Sa voix était si douce ! On eût dit celle d’un enfant qui implore.

Elle lui tendit les violettes sans le regarder. Mais lui, se relevant vivement, la prit à la taille et la pressa