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il riait et plaisantait si agréablement qu’elle ne pouvait s’empêcher de rire aussi.

Choisissant du regard un pot de lait sur un des rayons, elle leva les bras pour le prendre.

— Non, non, mademoiselle ! s’écria Max, c’est trop haut pour vous, laissez-moi le descendre !

Et en disant ces mots, il posa sa main sur celle de la jeune fille. Else retira vivement la sienne ; elle avait rougi et se sentait près de pleurer.

Alors, d’une voix lente et grave, il lui dit, sans la regarder :

— Je vous demande pardon, mademoiselle ; ma manière d’être, je le sens, est bien trop libre et trop légère pour une femme comme vous. Mais j’aurais trop de chagrin, si vous gardiez l’impression que je suis aussi frivole que j’en ai l’air. Souvent, vous le savez, il faut feindre la gaieté pour cacher ses souffrances ; il y a des gens qui rient pour ne pas pleurer.

À ces derniers mots, il la regarda, et il y avait quelque chose de si douloureux, de si respectueux à la fois dans ce regard, qu’elle eut comme un remords d’avoir été trop dure pour lui. Elle était bien habituée à descendre les terrines de lait de leurs rayons. Mais cette fois, baissant les bras, elle dit :

— Oui, en effet, c’est un peu trop haut pour moi.

Un léger sourire passa sur les lèvres du jeune homme, qui prit la terrine et l’emporta avec précaution. Else le précédait, lui ouvrant les portes. Lorsqu’ils arrivèrent à celle de la salle à manger, il s’arrêta et la regardant d’un air triste :

— Il faut que je me recueille un moment, dit-il, pour reprendre mon air joyeux, afin que personne ne soupçonne rien.

L’instant d’après, Else, restée en arrière, entendait ses plaisanteries et les rires qui les accueillaient.

Pauvre jeune homme ! Combien elle était émue de