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Seul le sable du rivage resta jaune comme auparavant. Il n’a pas de fleurs pour se parer ; il n’a que les touffes disséminées des herbes marines dont les longues tiges molles se courbent sous le vent. Les pieds battus par la vague, les mouettes se promenaient sur la grève, sérieuses, la tête baissée et le ventre en avant, comme de vieilles dames dans un chemin boueux.

En haut dans la lande, le vanneau volait en battant des ailes. Le printemps était venu si soudainement sur lui qu’il n’avait pas eu le temps de trouver où faire son nid, et avait déposé ses œufs au beau milieu d’un champ. L’endroit était mal choisi, il le savait bien, mais il n’y avait pas eu moyen de faire autrement.

L’alouette se moquait de lui. Quant aux moineaux, ils étaient dans une hâte vertigineuse. Beaucoup, même avant d’avoir commencé leur nid, avaient déjà pondu un œuf ou deux. Voilà ce que c’est d’avoir passé des semaines sur le toit de l’étable à causer de l’almanach.

Le petit Angarius contemplait leurs querelles dans la haie du jardin du presbytère, et se figurait voir une grande bataille accompagnée de charges de cavalerie. Comme il était en train d’étudier l’histoire de Norvège avec son père, tout ce qui se passait autour de lui prenait à ses yeux une couleur guerrière. Quand les vaches rentraient le soir du pâturage, c’étaient pour lui des masses de troupes qui s’approchaient, et les poules étaient la garde nationale avec le coq pour capitaine à leur tête.

« Quel naturel sauvage a cet enfant ! » pensait le pasteur. Ces goûts belliqueux n’étaient point du tout de son gré. Angarius devait être comme son père un homme de paix, et celui-ci souffrait de voir combien l’enfant recherchait tout ce qui traitait de guerre et de combats.

Il semblait parfois au pasteur qu’il eût mieux valu