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LA VIVANTE

et le printemps. Il veut s’accroître, il veut la puissance de son fût, l’attache de ses racines, la victoire renouvelée de ses feuilles. Il le voudra cent ans… Le diamant vit, il agit. Le cristal qui cherche le cristal et, savamment, patiemment, travaille à son être précieux qu’il veut le plus dur et le plus fort pour durer, durer toujours, n’est-ce de la vie qui s’aime et se défend ? Ah ! si l’on voyait, si l’on entendait l’effort, la virulence éperdue de l’atome, et toute la frénésie dont l’atome et l’atome s’étreignent, nerveux élancements, tenus à l’infini, qui supportent les planètes et font la cohésion invincible des marbres…

Donc, un jour, parce que le vieillard, sédentaire et désœuvré, avait trop vécu, trop égaré son âme dans cette chambre, parce que ses yeux et le fluide de ses doigts avaient trop pénétré d’influence humaine la fièvre mystérieuse de ce marbre, une chose effrayante arriva On ne peut dire que la statue vécut, elle ne s’anima point. C’était un trop vieux sculpteur. Elle ne reçut ni la lumière, ni la voix, ni le mouvement, aucun des sens extasiés de Galatée, et pourtant quelque chose d’humain s’était pris, enfermé dans ce bloc.

Voici d’abord ce qui se passa. Cette nuit-là il y eut un orage. Le tonnerre broya longtemps, fit crouler et s’abîmer tout ce qui résiste dans les airs. Il est possible que la foudre tomba, mais certainement pas sur la maison. Or la statue avait la joue et la main contre terre ; par son socle en planches, habillé de peluche rouge, et qui tremblait sous elle, par tout son corps allongé, elle perçut l’inconcevable ébranlement. Ce fut terrible, soudain et merveilleux : ce fut la Vie. Toute la nuit la statue s’extasia. Elle se faisait encore plus couché, plus sensible à la terre, plus proche du mystère nouveau. Qu’on imagine dans une tombe, après l’oubli des siècles et des siècles, le premier souvenir, la vie reconnue à son premier frisson.