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DE MARIE LENÉRU

gences du cœur et de la chair ! Et sur tout cela, ombre portée d’une invisible présence, la mélancolie amère de oubli !

Mais qui peut arrêter le cours de la vie ? Ceux qui sont morts quand nous les aimions, sont-ils vraiment des invincibles ? Serait-il vrai que l’on n’oublie que les vivants ? Problèmes éternels que chacun peut être appelé à résoudre selon ses forces. Marie Lenéru les a traités avec une passion que trahissent des accents d’une âpre ironie. Sur la situation qu’elle a créée, ce second mariage qui est un défi à la mort, mais aussi à l’amour et à la jeunesse, pèsent lourdement toutes les lois violées. Grand esprit entier et intolérant, mais qui ne laisse pas d’être raisonnable, Marie Lenéru s’est résignée cette fois à donner au conflit la solution la plus humaine.

Vous, Marie Lenéru, vous n’avez pas à craindre l’oubli autour de votre haute et noble mémoire. La comtesse de Noailles, la grande inspirée, au lendemain de votre mort, appelait déjà autour de votre tombeau les plus pures images de la beauté antique. Plus forte que le malheur qui vous frappa prématurément, vous nous apparaissez, grave triomphatrice de la destinée la plus dure, toute parée d’une double victoire. Vous êtes celle qui, à force de courage, se sauva elle-même. Avant que la paix miséricordieuse vous déliât de ces entraves qui nous émeuvent, comme des chaînes inhumaines enserrant votre vie ardente, déjà était montée dans le respect de tous, noble et rayonnante, votre figure délivrée.

Vous êtes celle qui, malhabile aux conversations d’ici-bas, nous entraînez d’un cri intérieur. Seule vous restait la nudité éblouissante d’un ciel spirituel. Se peut-il que certains vous trouvent un peu dure et inaccessible ? Hélas ! c’est ne pas avoir entendu ces sanglots