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DE MARIE LENÉRU

jamais paru, marquent les diverses démarches d’une âme qui cherchait à remplir de thèmes exaltants son infini silence intérieur. Mais à son talent, martelé par le soliloque, il fallait des voix. Le théâtre l’attira. À quinze ans, elle avait été la fille littéraire du père Lacordaire ; à vingt-cinq, celle de Saint-Just et de Barrès ; à trente, François de Curel était son maître.

Parmi les pièces qu’elle avait laissées inédites, deux se détachent : la Maison sur le roc, et le Bonheur des autres. L’une et l’autre peuvent êtres mises sur le même plan que les Affranchis.

Ce n’est pas que manque dans ces œuvres ce qui attire la discussion. Il y a toujours eu chez Marie Lenéru quelque chose, non seulement d’audacieux, mais d’un peu outré. Personne n’eut plus de peine à adapter ses idées à la vie réelle. Il n’est peut-être pas une de ses pièces qui n’ait surpris, quelquefois scandalisé ou prêté à des controverses. Qu’on se rappelle la tempête soulevée par le Redoutable, qui devait être dans la pensée de Marie Lenéru l’apologie de la marine qu’elle a tant aimée — ô marine, ô ma mère — et dans laquelle on crut voir celle de la trahison. La Paix, sa dernière œuvre, celle où jaillit la flamme suprême d’un cœur élargi, a suscité combien de contradictions !

Marie Lenéru avait eu la pensée d’adresser à Gémier le Bonheur des autres. Pour des raisons personnelles, au moment de mettre ce projet à exécution, elle se ravisa. La lettre qu’elle avait déjà écrite, et qui ne fut pas envoyée, a été retrouvée parmi ses papiers. Je la transcris tout entière : ces lignes, mieux qu’aucun commentaire, jettent sur la pièce une vive lumière qui en dessine toutes les intentions :

« Monsieur,

« Vous avez eu l’hiver dernier une pièce de M. Lucien Népoty qui traitait le même sujet exactement du point