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L’HÉROÏQUE DESTINÉE

seule que je veuille vous demander : accordez-moi l’intelligence de ce que vous me voulez ! »

Pour Marie Lenéru, la sainteté demeure le plus haut état auquel nous puissions atteindre. Comment cette âme royale sentit peu à peu sa foi s’obscurcir, c’est le secret que le journal ne nous livre pas. Mais dans sa lassitude d’avoir si longtemps lutté avec l’ange, elle continue de confesser un cœur religieux. Une de ses belles pièces, la Maison sur le roc, que la Revue hebdomadaire a offerte l’automne dernier à l’admiration de ses lecteurs, porte une épigraphe qui eût été un bien meilleur titre : « On ne badine pas avec la foi. » Parce qu’elle avait soif de l’absolu, rien ne lui parut jamais plus beau, dans l’ordre même des grandeurs humaines, que le renoncement d’un cœur tout à Dieu.

Mais sous ses dehors de courage et de stoïcisme, elle était restée une femme. Jacqueline Pascal, après que la petite vérole l’a défigurée, compose des stances d’action de grâce. La perte de sa beauté ne la trouble ni ne la désespère. Tout au contraire, elle y voit une grâce spéciale. Elle en fait un sujet de joie. Marie Lenéru souffre parce qu’elle a gardé une vie ouverte sur l’avenir, sur tous les possibles. Son long effort pour se reconquérir lui apparaît comme un passionné prélude de l’amour. Tout le reste est un pis aller.

Un jour, elle avait écrit : « Je ne peux me sentir apaisée que par des succès. » Mais plus loin, dans la page même où elle relate, pour s’en souvenir, l’ordre dans lequel ses pièces se sont succédé, un cri lui échappe : « Vous êtes témoin, mon Dieu, que je n’ai pas choisi cette carrière… »

Il lui fallait une revanche. Écrire fut pour elle un moyen de s’évader du noir. Son talent, tel qu’elle l’avait souhaité, ce style sobre, d’un contour net et dépouillé, aux raccourcis brusques, est à l’image de son caractère. Elle en a patiemment forgé l’outil incisif.