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Ces services effectifs s’agrémentaient d’attentions, de prévenances, un peu trop affichées. « Durant le court passage de M. Cousin au pouvoir, confessera plus tard Louise Colet, j’eus l’imprudence de me montrer quelquefois au spectacle avec lui. » Le vrai est qu’elle ne bougeait guère de la loge du ministre, l’accompagnait parfois dans les réceptions officielles et se promenait dans son carrosse. Vers ce même temps, comme le Ciel bénissait une union trop longtemps stérile et qu’elle se préparait, selon l’expression d’un gazetier, à « mettre au monde autre chose qu’un alexandrin », on vit le philosophe se rendre en personne à Nanterre, pour se mettre en quête d’une nourrice. On colportait aussi la mésaventure de Cousin sortant un soir de chez la dame et ne trouvant pas de voiture à cause du mauvais temps ; le concierge s’offrait à lui en chercher une ; Cousin, en attendant, promettait de garder la loge ; la recherche était longue, et les locataires, en rentrant, voyaient avec stupeur le Grand maître de l’Université mal caché derrière un rideau et tirant gravement le cordon.

Ces anecdotes faisaient jaser, et les suppositions n’étaient pas toujours bienveillantes. Alphonse Karr, dans ses Guêpes, ne craignit pas de conter tout haut ces histoires, en y joignant d’indiscrets commentaires. Le procédé, sans doute, était peu délicat ; il aurait pu émouvoir l’opinion en faveur de la femme qui en était victime, si elle n’eût, par sa violence, réussi à gâter sa cause.

L’épisode qui va suivre a été tour à tour narré par chacun des intéressés ; entre les deux récits, la seule différence essentielle est qu’Alphonse Karr est persifleur, Mme Colet tragique. « En lisant les Guêpes, écrit-elle, je fus d’abord prise de vertige, puis je poussai un cri terrible… N’importe par qui, il me fallait la mort