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nesse de Goethe, qui, jouée sans grand succès au théâtre de la Renaissance, n’y avait guère tenu l’affiche. Le 16 juillet 1839, un mois après la visite à Cousin, le directeur de ce théâtre, Anténor Joly, recevait cet hypocrite petit billet du commentateur de Platon :

« Monsieur, je veux vous remercier de la bonté que vous avez eue de me donner mes entrées à la Renaissance. J’y suis allé entendre plusieurs pièces qui m’ont fait plaisir, surtout une charmante pièce appelée la Jeunesse de Goethe. J’y suis allé avec quelques-uns de mes confrères de l’Académie, MM. Lemercier, Mignet et Pongerville, et je puis vous dire que cette pièce nous a fort intéressés. L’auteur est un de nos lauréats de l’Académie. Mme Colet nous intéresse au plus haut degré, et je crois être l’interprète de beaucoup de mes confrères en vous exprimant le vœu que cette pièce soit un peu plus souvent représentée… Notre amour-propre d’académiciens ne nous permet pas d’être indifférents au sujet de l’aimable auteur…, etc. » Cela était signé : « Le pair de France, Victor Cousin. »

Presque dans le même temps, par l’intermédiaire de Villemain, le protecteur faisait accorder à la Muse une pension officielle. L’année d’après, lettre du philosophe à Sainte-Beuve, avec en-tête, cette fois, du ministère de l’Instruction publique. Cousin venait d’entrer dans le cabinet libéral formé par M. Thiers. Le style en est impératif, comme il convient à un homme au pouvoir : « Mon cher ami, voulez-vous remettre ceci (ceci, bien entendu, c’est un poème de Louise Colet) à M. Buloz ou à M. Bonnaire, pour qu’il l’imprime soit dans la Revue de Paris, soit dans la Revue des Deux Mondes. On m’enverra les épreuves à la Sorbonne, où je vais coucher ce soir. » Sainte-Beuve remplissait sa mission et recevait ces mots par retour du courrier : « Mille fois merci, mon cher Sainte-Beuve. Un lien de plus est entre nous ! »