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pas très vif, assez toutefois pour que le nom de Louise Colet se répandît assez promptement dans les cénacles littéraires, si nombreux en ce temps, où l’on était en pleine bataille entre classiques et romantiques. Dans lequel des deux camps se rangerait la nouvelle venue, elle-même alors eût eu peine à le dire. Mais personne ne songeait à lui en demander si long. Lorsqu’elle entrait dans un salon, dans un bureau de rédaction, avec sa « démarche de reine », son fier visage et ses splendides épaules, qu’elle déroulait un petit cahier parfumé et récitait ses strophes d’une voix sonore, chantante, avec des allures d’inspirée, l’assistance était fascinée, l’enthousiasme éclatait en acclamations frénétiques. Après une de ces auditions, Ricourt, directeur de l’Artiste, lui déclara tout net qu’elle possédait « le souffle lyrique d’Hugo, avec une forme plus pure ». Émile de Girardin offrait l’hospitalité dans la Presse à son premier roman ; elle rencontrait le même accueil dans les bureaux du Constitutionnel, du Journal des Débats, de la Revue de Paris. Un périodique en vogue, Paris-Illustration, publiait ses poèmes à côté de morceaux signés Chateaubriand, Villemain et Jules Janin. C’est à ces surprenants débuts que, bien longtemps après, elle fait allusion en ces termes : « Il y avait à cette époque des directeurs de journaux intelligents, polis, lettrés et hommes de goût. »

L’année 1839 marqua dans la vie de la nouvelle Muse par deux faits importants : elle rencontra Cousin, et elle fut, pour la première fois, couronnée par l’Académie. Il n’est pas, comme on pourrait croire, de corrélation à chercher entre ces événements. Il est prouvé qu’elle ne connaissait pas Cousin quand, le 30 mai 1839, elle se vit décerner le prix de poésie. Le sujet proposé était le Musée de Versailles ; elle en fut instruite par hasard, cinq jours avant la clôture du con-