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« Vous avez fait de belles choses, me dit-elle, voilà l’Allemagne en feu pour un siècle. »

Je l’accompagnai chez son marchand de musique ; et, pendant qu’elle feuilletait des albums, je vis accourir le vieux marquis en uniforme de maggiare, mais sans bonnet, qui s’écriait : « Quelle imprudence ! les deux étourdis vont se tuer pour l’amour de vous ! » Je brisai cette conversation ridicule, en faisant avancer un fiacre. La Pandora donna l’ordre de toucher Dorothe-Gasse chez sa modiste. Elle y resta enfermée une heure, puis elle dit en sortant : « Je ne suis entourée que de maladroits. — Et moi ? observai-je humblement. — Oh ! vous, vous avez le numéro un. — Merci ! répliquai-je. »

Je parlai confusément du Prater, mais le vent avait changé. Il fallut la ramener honteusement à son hôtel et mes deux écus d’Autriche furent à peine suffisants pour payer le fiacre.

De rage, j’allai me renfermer chez moi, où j’eus la fièvre. Le lendemain matin, je reçus un billet de répétition qui m’enjoignait d’apprendre le rôle de la Vieille, pour jouer la pièce intitulée : Deux mois dans la forêt.

Je me gardai bien de me soumettre à une nouvelle humiliation, et je repartis pour Salzbourg, où j’allai réfléchir amèrement dans l’ancienne maison de Mozart, habitée aujourd’hui par un chocolatier.

Je n’ai revu la Pandora que l’année suivante, dans une froide capitale du Nord. Sa voiture s’arrêta tout à coup au milieu de la grande place, et un sourire divin me cloua sans force sur le sol. « Te voilà encore, enchanteresse, m’écriais-je, et la boîte fatale, qu’en as-tu fait ? — Je l’ai remplie pour toi, dit-elle, des plus beaux joujoux de Nuremberg. Ne viendras-tu pas les admirer ? »

Mais je me pris à fuir à toutes jambes vers la place de la Monnaie. « Ô fils des dieux, père des hommes ! criait-elle, arrête un peu. C’est aujourd’hui la Saint-Sylvestre