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LA REVUE DU MOIS

son garçon de laboratoire depuis trente ans, dont l’intelligence l’avait servi dans tous ses travaux.

Il était de taille peu élevée, mais d’allure alerte et robuste ; ses yeux lucides et volontaires, en retrait sous un front très haut, donnaient à sa physionomie une expression énergique et réfléchie, d’accord avec sa vie de savant et d’homme d’action, d’accord avec sa vie privée, si une et si pleine à la fois.

Fils d’un instituteur de Quarouble, dans le Nord, il partit faire ses études au Collège de Valenciennes :

Mascart, dit M. Joubert, se plaisait à rappeler le régime qu’il y suivait : bien peu de collégiens s’en contenteraient aujourd’hui. Le Collège lui donnait la soupe de midi, et, pour le reste, il vivait des provisions de pain et de fromage qu’il rapportait de Quarouble tous les lundis ; hiver comme été il en partait à quatre heures du matin… Il termina ses études au Lycée de Lille, puis de Douai comme maître-répétiteur. En 1858 il était reçu à l’École Normale et en sortait premier agrégé de physique en 1861.

Resté pendant les trois années qui suivirent comme agrégé-préparateur d’histoire naturelle à l’École Normale pour préparer son doctorat, il épousait, quelques jours après la soutenance de sa thèse, la fille aînée de son maître, M. Briot, ne craignant pas d’accepter immédiatement les charges d’une famille qui devait rapidement devenir nombreuse, assurant le présent et préparant l’avenir, un avenir qui devait être singulièrement brillant pour lui comme pour les siens.

Il fut aidé, soutenu dans cette tâche, par la femme admirable qui lui survit aujourd’hui, entourée des enfants et des petits-enfants grandis dans un atmosphère de travail et d’amour. Dans la famille qu’il a fondée, en grand ancêtre qu’il était, comme dans les œuvres si diverses qu’il a laissées, Mascart a réussi de manière si parfaite parce qu’il était bien adapté à la vie, grâce à l’équilibre, à l’harmonie complète, de son intelligence et de sa volonté. La vie lui donna ce qu’il était en droit d’attendre d’elle parce qu’il savait beaucoup exiger de lui-même.

Paul Langevin