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L’ŒUVRE DE MASCART

son caractère ; je me rappelle avec quel sentiment d’admiration pour lui et de fierté pour notre pays je pris connaissance, à propos d’une question sur laquelle il voulait bien me demander mon avis, de lettres où se manifestait la très grande importance qu’avait son opinion à l’étranger.

Dans toutes les discussions, la clarté de sa vision et l’autorité de sa parole en faisaient un admirable président qui savait d’un mot remettre les choses au point et les gens à leur place. Dans les commissions nombreuses auxquelles il appartenait ou dont il dirigeait les travaux, sa disparition se fait infiniment sentir.

Excellent dans le conseil, il ne l’était pas moins comme organisateur et administrateur. Il avait eu pendant la guerre une première occasion de le montrer : il créa et fit fonctionner pendant sept mois une capsulerie à Bayonne, sans aucun accident, malgré le maniement du fulminate de mercure par un millier d’ouvriers improvisés. On voulut ensuite l’y retenir, lui conserver une direction pour laquelle il s’était montré si qualifié. Il refusa pour revenir à la Physique et n’accepta que longtemps plus tard des fonctions administratives aux mines de la Grand’Combe et aux Forges de Montataire.

Il avait aussi du chef la connaissance des hommes et l’art de se les attacher. On sait avec quel intérêt il suivit de bonne heure les travaux de notre grand Curie, sur qui Lord Kelvin avait appelé son attention, et avec quelle activité il s’employa pour trouver l’argent nécessaire aux premiers traitements de matières radio-actives. Il connaissait à fond tout le personnel scientifique de l’enseignement supérieur en France, étant souvent chargé de missions d’inspecteur dans les Facultés.

Pour défendre son temps, savamment réparti entre des occupations absorbantes et multiples, il avait dû voiler sous un abord froid et réservé, souvent intimidant, sa bienveillance tenace pour ceux qu’il estimait. Il savait éviter les paroles inutiles, mais était d’autre part plein de verve et d’esprit et racontait, avec sa compréhension nette et incisive, les anecdotes et les souvenirs qu’il avait recueillis dans sa vie si active et volontiers vagabonde.

Il savait aussi les paroles affectueuses qui attirent et retiennent les dévouements ; je ne l’ai jamais vu venir au Collège de France sans dire un mot d’amitié à son vieux Pierre Lalance,