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L’ŒUVRE DE MASCART

d’une colonne de mercure d’un mètre de longueur et d’un millimètre carré de section, facile à retrouver par conséquent, mais sans relation simple avec les unités théoriques. Les savants, au contraire, et Mascart l’un des premiers, voyaient un gros danger à séparer si vite l’industrie naissante de la science qui l’avait créée et devait longtemps encore être son meilleur guide. Leur faire parler de suite des langues différentes, empêcher leur entente, c’était décréter l’empirisme en électrotechnique et compromettre l’évolution merveilleuse à laquelle notre génération vient d’assister. Mascart déploya, en cette circonstance d’abord et en bien d’autres par la suite, une rare activité pour maintenir le contact, pour permettre à la science d’élever son enfant.

Il y travailla tout d’abord en contribuant de manière importante à créer et à faire accepter le système d’unités électriques universellement en usage aujourd’hui, le système du Volt, de l’Ampère et de l’Ohm. Il a conté lui-même, de sa manière vive et colorée, ses souvenirs de cette période historique dans une allocution prononcée en 1902, le jour où lui fut remise la belle médaille de Chaplain, destinée à commémorer son rôle dans le développement de l’industrie électrique, et qui restitue de manière si frappante l’expression habituelle de sa physionomie.

Le Congrès, dit-il, avait constitué une Commission très nombreuse des unités électriques, qui s’est réunie le 16 et le 17 septembre 1881. La première séance a été remplie par une sorte d’exposé de principe sans grand résultat. Dans la seconde, la question a été serrée de plus près ; il s’agissait de savoir si les unités seraient fondées sur un système logique ou si l’on accepterait, en particulier pour la mesure des résistances, l’unité arbitraire dite de Siemens.

La discussion a été pénible et très confuse ; on voyait surgir des propositions et des objections imprévues, surtout de personnes qui ne comprenaient pas la portée des résolutions à prendre. M. Dumas, qui présidait avec un tact et une autorité que j’admirais, interrompit la séance en disant que l’heure paraissait avancée (4 h. 30) et qu’on se réunirait ultérieurement. C’était un samedi soir. En sortant, j’accompagnais notre Président, et je lui dis : « Mon cher Maître, il me semble que l’affaire ne marche pas bien. » — « Je suis convaincu, répondit-il, que nous n’aboutirons pas et vous avez compris pourquoi j’ai levé la séance. » Je n’ai pas souvenir de ce que fut ensuite notre conversation.

Le lendemain, dans la matinée, je rencontrai sur le pont de Solfé-