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LA REVUE DU MOIS

Regnault fut homme d’action autant qu’Ampère fut homme de pensée. Il connut, de la vie, les succès et les joies, mais aussi les douleurs. Plus près des choses, son expérimentation s’adapte à elles et les suit dans toute leur complexité réelle ou apparente : il connaît la matière et l’emploie avec une merveilleuse habileté. Il a moins pour but une représentation spéculative et simple du monde qu’une connaissance extérieure et précise lui permettant de commander et d’agir. Son œuvre essentielle, magistralement ordonnée et accomplie sans relâche, est consacrée à l’étude complète du plus puissant instrument d’action, de la machine à vapeur. C’est pour en permettre le calcul qu’il a déterminé des nombres exacts encore aujourd’hui après cinquante ans.

Créateur d’instruments et d’outils délicats pour ses recherches, père d’un fils admirablement doué, Regnault devait éprouver par eux des souffrances que n’avait pas connues Ampère, réfugié dans sa pensée. Regnault, plus vulnérable, fut abattu en 1870 par la mort de son fils, tué à Buzenval, par la destruction, à Saint-Cloud, de ses instruments et de ses cahiers d’expériences. Il quitta définitivement le Collège de France après la guerre et Mascart, son suppléant depuis trois ans, lui succéda en 1872.

D’activité plus variée que ses deux grands prédécesseurs, Mascart sut être à la fois savant, professeur, homme d’action, toujours servi par le même esprit lumineux et la même énergique volonté. Il passait, avec une égale aisance, des théories les plus élevées aux expériences les plus délicates, laissant des résultats d’une portée théorique très grande comme des déterminations numériques de haute précision. Puis, quand l’extraordinaire développement de l’industrie électrique l’eut conduit de la science aux applications, il sut voir clairement le rôle qui lui revenait et maintenir avec ténacité les droits de la science même la plus élevée comme le guide le plus sûr de l’industrie naissante.

Entre sa sortie de l’École Normale, onze ans auparavant, et sa nomination, à trente-cinq ans, comme professeur au Collège de France, il s’était occupé surtout de recherches d’Optique.

L’Optique était alors, de beaucoup, la partie la plus vivante de la physique. Kirchhoff et Bunsen venaient de créer l’analyse