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L’ŒUVRE DE MASCART

Leçon d’ouverture du Cours de Physique générale et expérimentale
au Collège de France.




Mon maître Mascart fut le cinquième titulaire de la chaire de Physique générale et expérimentale du Collège de France, autrefois chaire de Mécanique, transformée en 1786 et occupée successivement depuis cette époque par Lefèvre-Gineau, Ampère, Savart, Regnault et Mascart.

Des prédécesseurs de Mascart, les deux plus illustres, Ampère et Regnault représentent deux types profondément différents, comme hommes et comme savants, par leur caractère, la tournure de leur esprit et les tendances de leurs travaux. Le premier, mal adapté à la vie extérieure, comme en témoignaient la gaucherie de son attitude et ses distractions restées légendaires, vécut d’une vie intérieure très intense. Tendre et méditatif, il spéculait longuement avant d’agir ou de produire. Excellent mathématicien, familier avec l’abstraction, il n’expérimentait que pour vérifier sa conception des faits, pour poser à la nature des questions précises et longuement mûries, sous forme d’expériences originales et parfaites, plus riches en signification qu’en difficultés matérielles vaincues ; on y voit clairement l’effort de représentation aux prises avec la réalité : celle-ci, déjà triturée par un esprit puissant, y apparaît plus simple et presque assimilée. C’est le propre du génie que d’accomplir ce travail préliminaire d’abstraction. Le chef-d’œuvre d’Ampère, l’établissement des lois de l’électrodynamique, est caractéristique de cette manière. Parce qu’il voyait les choses d’aussi haut, Ampère a possédé au degré le plus élevé l’intuition du physicien : son explication du magnétisme par les courants particulaires est profonde et définitive.