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LA DÉCOUVERTE DE L’ANNEAU DE SATURNE PAR HUYGENS

Cependant, ce laborieux astronome n’allait pas être récompensé de ses efforts : il suivit assez régulièrement Saturne et vit l’éclat de ses compagnons diminuer ; bientôt, en 1612, il se trouve dans l’impossibilité absolue de rien distinguer de chaque côté de la planète là où, quelques mois auparavant, il avait encore observé les deux objets lumineux : la planète lui parut parfaitement ronde. Il appert que cette circonstance le découragea au plus haut degré et l’on peut voir l’expression de son désespoir dans une lettre qu’il adressait à Velser, en 1612 : il alla même jusqu’à imaginer que, dans toutes ses observations. antérieures, les verres de ses lunettes avaient pu le tromper et que toutes les apparences observées n’étaient que des illusions. Et pourtant, en 1616, il avait dessiné nettement l’anneau, avec deux intervalles sombres et triangulaires dont les bases s’appuyaient au corps de la planète.

En tous cas, dès ce moment, il renonça à s’occuper de Saturne — et mourut sans avoir vu s’éclaircir ce mystère.

Pendant près d’un demi-siècle l’aspect de Saturne va hautement intriguer les savants : les hypothèses les plus invraisemblables sont émises successivement, et les instruments sont trop imparfaits pour déchiffrer cette énigme, bien que les conditions de visibilité soient à nouveau favorables.

Fig. 2.
Saturne d’après Gassendi. Saturne tri-corps, le 19 juin 1633.

Gassendi voit triple comme Galilée. Il écrit, en 1633 :

… La planète avait la forme d’un œuf de Chine qui renferme le ver à soie quand il a fait son fil… Je remarquai, précédant Saturne, une anse, sorte d’appendice assez distincte ; j’en vis très nettement une autre suivant la planète. Le corps de Saturne était rond ; les anses n’étaient pas entourées de rayons, mais, par moments, je vis,