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L’ÉVOLUTION DU PROTECTIONNISME

ricades économiques, mais comme un système d’organisation militaire et de conquête.

III

Très contagieux, le mal s’est étendu sur toutes les nations continentales, s’aggravant sans cesse par la surenchère qu’amène nécessairement son premier succès et dont nous avons essayé précédemment de dessiner l’évolution. Parmi les grandes nations, il n’y a plus guère aujourd’hui que l’Angleterre capable de résister victorieusement au flot montant ; ce n’est pas que de vigoureux efforts n’aient été tentés par les artisans de l’impérialisme ; un instant, une minorité bruyante a pu donner le change sur les sentiments du producteur anglais ; elle s’est efforcée, au lendemain de la coûteuse et pénible guerre du Transvaal, de tirer du sentiment national surexcité des armes contre la liberté des échanges. Pour tous ceux qui connaissent bien la nation anglaise et ont vécu au milieu de ses diverses industries, une semblable tentative était vouée à l’insuccès ; les prévisions que nous pouvions faire à cet égard ont même été dépassées, et les élections ont marqué non plus seulement une défaite, mais une véritable débâcle des protectionnistes. On a vu clairement combien leur domaine était restreint dans l’Angleterre industrielle ; en somme, il ne s’étend guère au delà du groupe des industries de Birmingham dont les fabrications souffrent aujourd’hui, malgré la proximité de leurs matières premières, de la concurrence véritablement endiablée des spécialités américaines et allemandes. Là le mal est réel et les plaintes sont vives ; aussi Joe peut être sûr de ses électeurs ; ils lui resteront immuablement fidèles. Mais la métallurgie, mais les industries minières, si puissantes en Angleterre, mais cette admirable industrie des constructions navales, qui produit à elle seule, dans les chantiers anglais, plus de navires que toutes les nations du monde réunies, sont-ce là des clients possibles du chamberlanisme ? Il est surprenant qu’on ait pu le supposer. Que peuvent contre elles toutes les primes, tous les systèmes plus ou moins compliqués de protection maritime ? Quand, à la Chambre française, on discutait récemment les nouvelles primes à la marine marchande, des orateurs sont venus exposer la crainte de voir l’Angleterre