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L’APPARITION DE LA VIE SUR LE GLOBE

Barrande mérite à tous égards cet honneur et ce culte. Non seulement il a décrit et fait connaître la faune silurienne de la Bohême, qui est sans doute la plus riche faune connue de cette époque ; mais il a eu le mérite et la gloire de nous montrer que cette faune silurienne avait été précédée par un monde plus ancien auquel il a appliqué dans l’enthousiasme de la découverte, le nom de faune primordiale.

Les couches contemporaines de la faune primordiale existent bien en Angleterre, où Sedgwick les avait désignées dès 1835 sous le nom de terrain Cambrien, tiré de l’ancienne dénomination romaine du Pays de Galles. Mais ces assises de grès et de schistes, inférieures au Silurien, n’avaient point encore livré de débris organiques et étaient désignées par les géologues anglais comme une graüwacke stérile. Au contraire Barrande a découvert dans les couches cambriennes de Bohême un monde d’animaux marins tout différent du monde silurien.

Si nous jetons un coup d’œil sur la structure géologique du bassin de Prague, nous constaterons que les couches primaires y sont disposées en cuvettes concentriques à partir des schistes cristallins qui en forment la bordure et que Barrande désigne sous la lettre A. Les autres assises plus récentes sont modestement notées par des lettres allant de B à H. L’assise C est le gîte de la faune primordiale contenue dans des schistes brun verdâtre qui affleurent des deux côtés de la cuvette aux deux villages célèbres de Skrej et de Ginetz.

La faune primordiale de Bohême est surtout riche en Trilobites répartis en sept genres différents, dont les plus caractéristiques sont le Pavadoxides et l’Agnostus le premier avec une grosse tête parabolique prolongée en arrière et sur les côtés par deux longues pointes, un thorax aux segments multiples, et un très petit pygidium ; le second avec une tête et un pygidium cylindriques, réunis par un tout petit thorax à deux segments. L’Agnostus et quelques autres espèces de la faune primordiale sont aveugles, ce qui autorise à penser que ces Trilobites ont vécu dans une mer relativement assez profonde. Aussi n’y a-t-il pas lieu de s’étonner de la pauvreté relative de cette faune en organismes autres que les Trilobites ; ils se réduisent en effet à quelques Brachiopodes, à un Mollusque Ptéropode à vie pélagique et à des débris d’Échinodermes du groupe des Cystidés.